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Justice et miséricorde

Écrit par Bertrand Lemaire Mardi, 22 Mars 2016 00:00

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En Dieu tout est nuance, par respect pour la liberté qui nous est donnée.

L’homme est davantage programmé vers une sorte de dualité : le jour ou la nuit, le blanc ou le noir, le bon ou le mauvais, "le légalisme ou la miséricorde".

Le Pape nous montre aujourd’hui combien l’Ancien Testament insistait davantage sur le respect de la règle : la justice était rendue par rapport à une loi, celle de Moïse. Il en est de même pour l’équilibre de nos sociétés civiles actuelles, dont l’ordre juridique est la conséquence de l’application de la loi.

L’attitude des scribes et des pharisiens apporte la démonstration du danger que représente l’observance du légalisme (ersatz de la justice), lorsqu’elle n’est pas équilibrée par le contrepoids de la miséricorde.

Nous oscillons généralement entre l’un et l’autre, avec tous les risques que cela comporte : le légalisme, seul, peut conduire au fondamentalisme et la miséricorde seule, au relativisme du "tout le monde est bon et gentil".

La crucifixion des deux larrons était en règle avec la justice ; le pardon accordé au bon larron était en règle avec la Miséricorde. Jésus n’est pas venu sauver ceux qui se croient justes mais ceux qui se reconnaissent pécheurs. Cette synthèse entre la justice et la miséricorde est une propriété divine qui conserve pour nous une part de mystère. Seule notre conversion peut nous aider à en discerner les contours, comme ce fut le cas pour saint Paul.

20. Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler le rapport entre justice et miséricorde. Il ne s’agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour. La justice est un concept fondamental pour la société civile, quand la référence normale est l’ordre juridique à travers lequel la loi s’applique. La justice veut que chacun reçoive ce qui lui est dû. Il est fait référence de nombreuses fois dans la Bible à la justice divine et à Dieu comme juge. On entend par là l’observance intégrale de la loi et le comportement de tout bon israélite conformément aux commandements de Dieu. Cette vision est cependant souvent tombée dans le légalisme, déformant ainsi le sens originel et obscurcissant le sens profond de la justice. Pour dépasser cette perspective légaliste, il faut se rappeler que dans l’Ecriture, la justice est essentiellement conçue comme un abandon confiant à la volonté de Dieu.

Pour sa part, Jésus s’exprime plus souvent sur l’importance de la foi que sur l’observance de la loi. C’est en ce sens qu’il nous faut comprendre ses paroles, lorsqu’à table avec Matthieu et d’autres publicains et pécheurs, il dit aux pharisiens qui le critiquent : "Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs" (Mt 9, 13). En face d’une vision de la justice comme simple observance de la loi qui divise entre justes et pécheurs, Jésus indique le grand don de la miséricorde qui va à la recherche des pécheurs pour leur offrir le pardon et le salut. On comprend alors pourquoi Jésus fut rejeté par les pharisiens et les docteurs de la loi, à cause de sa vision libératrice et source de renouveau. Pour être fidèles à la loi, ils posaient des poids sur les épaules des gens, rendant vaine la miséricorde du Père. Le respect de la loi ne peut faire obstacle aux exigences de la dignité humaine.

L’évocation que fait Jésus du prophète Osée – "Je veux la fidélité, non le sacrifice" (6, 6) – est très significative. Jésus affirme que la règle de vie de ses disciples devra désormais intégrer le primat de la miséricorde, comme Lui-même en a témoigné, partageant son repas avec les pécheurs. La miséricorde se révèle une nouvelle fois comme une dimension fondamentale de la mission de Jésus. Elle est un véritable défi face à ses interlocuteurs qui s’arrêtaient au respect formel de la loi. Jésus au contraire, va au-delà de la loi; son partage avec ceux que la loi considérait comme pécheurs fait comprendre jusqu’où va sa miséricorde.

L’apôtre Paul a parcouru un chemin similaire. Avant de rencontrer le Christ sur le chemin de Damas, il consacrait sa vie à observer de manière irréprochable la justice de la loi (cf. Ph 3, 6). La conversion au Christ l’amena à changer complètement de regard, au point qu’il affirme dans la Lettre aux Galates: "Nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus pour devenir des justes par la foi au Christ, et non par la pratique de la loi" (2, 16). Sa compréhension de la justice change radicalement. Paul situe désormais en premier la foi, et non plus la loi. Ce n’est pas l’observance de la loi qui sauve, mais la foi en Jésus-Christ, qui par sa mort et sa résurrection, nous a donné la miséricorde qui justifie. La justice de Dieu devient désormais libération pour ceux qui sont esclaves du péché et de toutes ses conséquences. La justice de Dieu est son pardon (cf. Ps 50, 11-16).

Au fil de la semaine :

Des scribes et des pharisiens traînent une femme surprise en adultère... Jésus va exprimer la miséricorde de Dieu contre la violence et la rage des accusateurs.

En fait, ils ne sont pas venus pour demander l'avis du Maître mais pour le piéger. En effet, si Jésus avait suivi la sévérité de la loi et approuvé la lapidation de cette femme, il aurait perdu sa réputation de douceur et de bonté qui fascinait tant le peuple. Et si, au contraire, il avait été miséricordieux, il aurait agi contre la loi, que lui-même avait dit ne pas vouloir abolir mais accomplir.

Mais Jésus ne répond pas et fait un geste mystérieux en écrivant sur le sol avec son doigt. Ecrit-il les péchés des pharisiens, se demandent certains. Mais ceux-ci, personnes mauvaises, insistent sur le fait qu'ils attendent une réponse...

Alors Jésus se relève et dit: Celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre. Cette réponse désarçonne les accusateurs, qui s'en vont peu à peu, conscients de ne pas être libres du péché.

Lorsque nous parlons mal des autres... pensons un peu plus à nos péchés. L'image de Jésus resté seul face à la femme : c'est comme lorsque nous entrons dans le confessionnal, honteux de montrer notre misère et désireux de demander pardon.

Cette femme que Jésus regarde les yeux pleins de miséricorde et d'amour symbolise tous ceux qui entendent se libérer de l'esclavage du péché pour marcher dans une nouvelle voie. Elle représente tous ceux qui sont pécheurs et adultères devant Dieu, traîtres à sa loyauté.

Leur expérience représente la volonté de Dieu envers chacun d'entre nous. Dieu ne veut pas que le pécheur meure. Dieu ne nous identifie pas avec le péché que nous avons commis. Il nous veut libres et que notre liberté, de mal, se transforme en bien. Cela est possible avec sa grâce.
Pape François : Angélus du 14 mars 2016


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