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AUMONIER CHEZ LES PLUS PAUVRES

Écrit par Bertrand Lemaire Dimanche, 30 Janvier 2022 00:00

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Aumônier chez les plus pauvres

Devenu prêtre, vous êtes « Père de Montfort » ! Vos anciens supérieurs avaient probablement des vues sur vous ! Aviez-vous personnellement des projets précis pour votre avenir ?

Mon seul désir est de convertir les âmes et je dis à qui veut bien l’entendre : « Que faisons-nous ici, ouvriers inutiles pendant qu’il y a tant d’âmes qui périssent au Japon ou aux Indes faute de prédicateurs ou de catéchistes ? ». Le séminaire de saint Sulpice prépare justement un départ de missionnaires vers le Canada. Je m’y inscris aussitôt mais mon supérieur s’y refuse, il me connaît trop bien et craint que je ne me perde à la recherche des sauvages dans les forêts profondes de ce pays.

Alors quelle autre piste ?

Essentiellement me mettre à l’écoute de l’Esprit Saint qui saura fort bien me conduire où et quand il le désire. Depuis deux mois résidait au séminaire un prêtre âgé qui prêchait des missions et des retraites à Nantes depuis trente ans. Il cherchait justement un jeune prêtre pour cheminer avec lui un moment, pour ensuite le remplacer. Pourquoi pas moi ? Fidèle à mon vœu de pauvreté je donne quelques bricoles aux pauvres et, le chapelet en poche, nous partons le vieux prêtre et moi pour Orléans où nous allons nous embarquer pour redescendre la Loire en bateau jusqu’à Nantes. Pour m’occuper, je rejoins souvent le pont du bateau, priant ostensiblement et interpelant les voyageurs. Cela n’est pas du goût des libertins qui « goguenardent » et me prennent à parti. Je leur reproche doucement leur impiété et pour me narguer ils augmentent leurs blasphèmes. Je finis par les menacer de châtiments célestes…

Quel en fut le résultat ?

Croyez-moi si vous le voulez, mais à la stupeur des voyageurs, deux d’entre eux ne tardèrent pas à se quereller et à se blesser mutuellement fort grièvement. Quant au troisième il mourut assez rapidement après un excès de boisson…

Le bateau passe à proximité de l’Abbaye de Fontevrault où l’une de mes sœurs est postulante, je demande à être débarqué et cela me permet de lui donner ma bénédiction de jeune prêtre et de lui prodiguer mes encouragements fraternels.

Ensuite je reprends à pied la route de Nantes. Sept lieues plus loin je fais un « stop pèlerinage » à Notre Dame des Ardilliers près de Saumur. J’y retournerai souvent au cours de ma vie. En suivant les méandres de la Loire je parviens enfin à Nantes. J’y retrouve le vieux prêtre, mon compagnon de voyage depuis Paris.

Retroussant vos manches, vous vous mettez au travail pour la mission ?

Grande fut ma déception ! La communauté saint Clément qui m’accueille n’a rien de la discipline et de la piété que j’ai connues à saint Sulpice … Il ne m’est pas permis d’aller de paroisse en paroisse pour faire le catéchisme aux paysans. Je m’en plains mais on me demande de patienter encore. Sur ces entre faits je reçois une lettre de Mère Abbesse de Fontevrault qui m’invite à la cérémonie de vêture de ma sœur. Faisant confiance à l’Esprit Saint, je reprends la route des bords de Loire et, à marche forcée, j’arrive à l’Abbaye le lendemain matin du jour de la fête ! J’y suis cependant accueilli avec grande cordialité. On me conseille de rencontrer l’évêque de Poitiers qui pourrait me confier un service auprès des pauvres. Deux longues journées de marche, puis c’est le rendez-vous de tous mes espoirs. Monseigneur me reçoit sèchement et ne me promet rien de précis ! Je vais me recueillir un moment à la chapelle de l’hôpital au milieu des pauvres, ce sera pour moi le début d’une aventure merveilleuse dont nous reparlerons. (Extraits du livre « En haute mer »)


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