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AVEC LES MISÉREUX A POITIERS

Écrit par Bertrand Lemaire Dimanche, 06 Février 2022 00:00

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Avec les miséreux

Par leur insistance ce sont les pauvres eux-mêmes qui vous « embauchent » à l’hospice. Comment vous y accueillent-ils ?

Je recherchais les croix sur ma route pour mieux suivre le Christ mon Maître, alors à ce niveau-là j’ai vraiment été comblé. Voici quelques faits ! Mon attention extrême envers les plus démunis a mis le feu aux poudres chez les filles gardes malades surtout lorsque j’ai voulu proposer un règlement ! C’était un peu comme si je mettais les pieds sur un nid de guêpes. Excitées par la supérieure jalouse de son autorité, toutes se mirent à critiquer et à entraver mon action avec ce que la passion peut inventer de plus cruel. Elles allèrent jusqu‘à gagner à leur cause l’économe, sans oublier quelques administrateurs et même certains pauvres qui ne voulaient pas changer leurs mauvaises habitudes à mon contact.

Avez-vous consulté les prud’hommes ?

Pas du tout, courbé sous la tempête je pars faire une retraite chez les jésuites pendant 8 jours A mon retour stupeur : l’économe, gravement atteint, était en train de mourir, la supérieure et un grand nombre de pauvres n’étaient guère mieux. Je dois alors multiplier les pardons envers tous ceux qui m’avaient persécuté, je les prépare à la mort et j’en enterre un grand nombre. J’ai eu l’impression que l’hôpital avait senti passer le châtiment de Dieu, ce qui a provoqué un moment de calme.

Votre séjour à Poitiers a été orienté vers le service des malheureux ?

Pas seulement, dès mon arrivée dans cette ville, avec l’accord de l’évêque, je fais le catéchisme aux pauvres mendiants, je vais voir et exhorter les prisonniers dans les prisons ; les malades dans les hôpitaux en distribuant les aumônes que l’on me donnait dans la rue.

A cette époque, Poitiers avait une population de 20 000 habitants, un grand collège tenu par des jésuites et une université. La jeunesse était fort nombreuse et encombrait les rues et les jardins de ses jeux et de ses folles excentricités. Je me souvenais de ma bonne ville de Rennes où j’avais tout fait pour susciter des apôtres. Je m’en ouvre aux pères Jésuites qui m’encouragent.

Quelle nouvelle invention de votre part ?

Je vais tout simplement au collège sainte Marthe pour rassembler une quinzaine de jeunes afin de les alimenter spirituellement et les inciter à avoir une vie de témoignage. Le groupe ne tarde pas à grossir. Avec les plus assidus et les plus généreux se forme une association en vue d’une culture spirituelle plus approfondie : oraison, lecture d’ouvrages religieux, fréquentation plus régulière des sacrements, constitution d’une congrégation de la sainte Vierge dans le cadre du collège. Chaque semaine je leur donne une conférence pour les accompagner sur leur chemin de conversion. Certes je leur demande toujours davantage pour affronter un monde décadent mais le groupe se développe rapidement. Un des garçons le plus dynamique s’appelle Alexis Trichet le propre frère de Marie Louise qui fondera plus tard les sœurs de la Sagesse ; il devint prêtre et se donnera totalement au service de cinq cents prisonniers de guerre décimés par la peste, ce dont il mourra lui-même victime de son dévouement.

Je vous ai surtout parlé de mon groupe de garçons mais j’avais aussi fondé une congrégation de filles de plus de deux cents jeunes, il en est sorti un nombre très important de vocations. (Extraits du livre « En haute mer »)


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