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UN SERMON SUR UN PRIE-DIEU

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UN SERMON SUR UN PRIE-DIEU

A Rennes, vous rencontrez monseigneur de Beaumanoir de Lavardin. Madame de Sévigné lui avait dit de vous : « C’est un homme admirable ». Vous aviez donc le champ libre pour prêcher!

Ah ! Je connaissais bien le public rennais qui mêlait souvent la curiosité mondaine à la dévotion profonde! Un jour je prends l’initiative d’annoncer que j’allais prononcer un sermon à la chapelle des religieuses du Calvaire. Le « tout Rennes » y accourt comme un seul homme si je puis dire. C’est un auditoire cultivé et de qualité auquel j’allais m’adresser.

Peut-on aller jusqu’à dire un peu snob ?

Je n’irais pas jusque-là, mais je reconnais que ce public était très différent de celui de mes hordes de pauvres et de clochards qui me suivaient partout... On attendait de moi un discours plein d’éloquence dont on puisse parler ensuite dans les salons bien-pensants.

Et vous allez marcher dans la combine...?

Au moment de monter en chaire pour prêcher, l’Esprit Saint me suggère de saisir un prie-Dieu qui se trouvait au bord d’une rangée de chaises, je l’installe au milieu de la nef et je m’y agenouille tout simplement. D’une voix assez neutre je leur dis : « Vous pensez sans doute entendre un grand prédicateur et un homme extraordinaire… Eh bien je ne prêcherai point. Je vais simplement faire ma méditation comme si j’étais seul dans ma chambre ». Je laisse alors parler mon cœur en présence du Seigneur sur le mystère des souffrances de Jésus. Je le dis d’une façon toute simple, comme s’il n’y avait que Jésus et moi, une confidence entre deux amis !

Protestation ou déception dans l’assemblée ?

L’assistance a spontanément rejoint ma propre prière et l’a faite sienne, au point qu’à la fin de ma méditation, les pensées de vaine gloire s’étaient envolées, que tous se sont mis à genoux, beaucoup pleuraient, plusieurs se frappaient la poitrine sans aucun respect humain. Pour clôturer la soirée nous avons récité le chapelet et chanté de nombreux cantiques que j’avais composés sur des airs populaires connus de tous.

Vous vous êtes éclipsé par la petite porte pour éviter les commentaires sur ce changement de programme ?

Il n’est interdit à personne d’être un peu malin quand c’est pour la cause du Seigneur ! A deux pas de là, il y avait l’église du Saint Sauveur dont l’état des murs était lamentable, une petite cagnotte était indispensable et urgente pour éviter qu’elle ne s’écroule. J’ai pris mon bonnet carré à la main et, je me suis posté à la sortie, au centre de la grande porte, tous simplement pour faire la quête. Elle fut particulièrement abondante et mon couvre-chef se révéla trop petit pour contenir toutes les offrandes. (Extraits du livre « En haute mer »)


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