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Fidélité à l’évangile pour ne pas courir en vain ...

Écrit par Bertrand Lemaire Jeudi, 08 Janvier 2015 00:00

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A lire du §193 au §196 inclus: Evangelii Gaudium "La Joie de l'Evangile"- Exhortation apostolique du Pape François

Pape Francois Et Sans Abris

Le Pape nous présente le Seigneur comme Celui qui est prêt à oublier des montagnes de péchés en contrepartie du moindre geste de miséricorde ou d’aumône, jailli de notre cœur : "L’aumône sauve de la mort et elle purifie de tous péchés".

L’impératif d’écouter le cri des pauvres prend chair en nous quand nous sommes bouleversés au plus profond devant la souffrance d’autrui. Relisons quelques enseignements de la Parole de Dieu sur la miséricorde, pour qu’ils résonnent avec force dans la vie de l’Église. L’Évangile proclame : "Heureux les miséricordieux, parce qu’ils obtiendront miséricorde" (Mt 5, 7). L’Apôtre saint Jacques enseigne que la miséricorde envers les autres nous permet de sortir triomphants du jugement divin : "Parlez et agissez comme des gens qui doivent être jugés par une loi de liberté. Car le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde ; mais la miséricorde se rit du jugement" (2, 12-13). Dans ce texte, Jacques se fait l’héritier de la plus riche spiritualité hébraïque post-exilique, qui attribuait à la miséricorde une valeur salvifique spéciale : "Romps tes péchés par des œuvres de justice, et tes iniquités en faisant miséricorde aux pauvres, afin d’avoir longue sécurité" (Dn 4, 24). Dans cette même perspective, la littérature sapientielle parle de l’aumône comme exercice concret de la miséricorde envers ceux qui en ont besoin : " L’aumône sauve de la mort et elle purifie de tous péchés" (Tb 12, 9). Le Siracide l’exprime aussi de manière plus imagée : "L’eau éteint les flammes, l’aumône remet les péchés" (3, 30). La même synthèse est reprise dans le Nouveau Testament : "Conservez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés". Cette vérité a pénétré profondément la mentalité des Pères de l’Église et a exercé une résistance prophétique, comme alternative culturelle, contre l’individualisme hédoniste païen. Rappelons un seul exemple : "Comme en danger d’incendie nous courons chercher de l’eau pour l’éteindre, […] de la même manière, si surgit de notre paille la flamme du péché et que pour cela nous en sommes troublés, une fois que nous est donnée l’occasion d’une œuvre de miséricorde, réjouissons-nous d’une telle œuvre comme si elle était une source qui nous est offerte pour que nous puissions étouffer l’incendie".

François, dans sa méditation de l’Evangile adaptée à notre époque, met un accent très particulier sur le souci qu’avait Jésus de manifester aux pauvres la priorité de son affection. Le Pape force le trait en direction de ceux qu’il nomme "les défenseurs de l’orthodoxie". Il leur rappelle qu’il y a une hiérarchie des valeurs à ne pas inverser : priorité à la justice et à la compassion envers les souffrants.

C’est un message si clair, si direct, si simple et éloquent qu’aucune herméneutique ecclésiale n’a le droit de le relativiser. La réflexion de l’Église sur ces textes ne devrait pas obscurcir ni affaiblir leur sens exhortatif, mais plutôt aider à les assumer avec courage et ferveur. Pourquoi compliquer ce qui est si simple ? Les appareils conceptuels sont faits pour favoriser le contact avec la réalité que l’on veut expliquer, et non pour nous en éloigner. Cela vaut avant tout pour les exhortations bibliques qui invitent, avec beaucoup de détermination, à l’amour fraternel, au service humble et généreux, à la justice, à la miséricorde envers les pauvres. Jésus nous a enseigné ce chemin de reconnaissance de l’autre par ses paroles et par ses gestes. Pourquoi obscurcir ce qui est si clair ? Ne nous préoccupons pas seulement de ne pas tomber dans des erreurs doctrinales, mais aussi d’être fidèles à ce chemin lumineux de vie et de sagesse. Car, "aux défenseurs de “l’orthodoxie”, on adresse parfois le reproche de passivité, d’indulgence ou de complicité coupables à l’égard de situations d’injustice intolérables et de régimes politiques qui entretiennent ces situations".

Bel exemple de "correction fraternelle" exercée par Pierre et probablement Jacques, à l’égard de Paul, confronté à l’individualisme des païens. Le critère numéro un : l’attention portée aux "derniers", aux "rejetés".

Quand Saint Paul se rendit auprès des Apôtres à Jérusalem, de peur de courir ou d’avoir couru en vain (cf. Ga 2, 2), le critère clé de l’authenticité qu’ils lui indiquèrent est celui de ne pas oublier les pauvres (cf. Ga 2, 10). Ce grand critère, pour que les communautés pauliniennes ne se laissent pas dévorer par le style de vie individualiste des païens, est d’une grande actualité dans le contexte présent, où tend à se développer un nouveau paganisme individualiste. Nous ne pouvons pas toujours manifester adéquatement la beauté de l’Évangile mais nous devons toujours manifester ce signe : l’option pour les derniers, pour ceux que la société rejette et met de côté.

François nous invite à un "devoir de s’asseoir" face à la société que nous constituons : la "consommation" des biens nous conduit à une sorte d’aliénation opposée à la solidarité entre les hommes.

Nous sommes parfois durs de cœur et d’esprit, nous oublions, nous nous divertissons, nous nous extasions sur les immenses possibilités de consommation et de divertissement qu’offre la société. Il se produit ainsi une sorte d’aliénation qui nous touche tous, puisqu’"une société est aliénée quand, dans les formes de son organisation sociale, de la production et de la consommation, elle rend plus difficile la réalisation de ce don et la constitution de cette solidarité entre hommes".

Connaissant maintenant la sensibilité du Pape François, nous ne sommes pas surpris de voir son "surligneur" mettre en évidence certains passages de l’Évangile. Il les estime particulièrement salutaires pour l’Eglise d’aujourd’hui.

Et Lo Tedhal dans tout cela ?

"Heureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde". Les miséricordieux sont ceux dont les entrailles vibrent devant la souffrance des autres. C’est l’expression même de la tendresse d’une mère ou d’un père. Or, tu nous as révélé que le cœur de ton Père est rempli de miséricorde et de tendresse pour ses enfants. La miséricorde est comme le mot de passe pour entrer dans le Royaume. Si nous savons être miséricordieux à l’égard de nos frères, nous sommes sûrs de bénéficier de ta miséricorde. Quel réconfort ! (…) Seigneur, chaque béatitude est une charte à méditer, à chanter, à prier. Je ne les ai pas toujours vécues comme ma responsabilité d’enfant du Père m’y invitait. Cela porte atteinte à l’authenticité de ton message. Je t’en demande pardon. M’appuyant sur ta miséricorde, j’implore de ton Esprit de Sainteté qu’il change mon cœur et le fasse battre à l’unisson du tien pour que je voie avec tes yeux et que je vive et répande ton Amour parmi mes frères. (Extraits de "L’Evangile en prières")


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