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Donner sa vie pour le Christ

Bertrand Lemaire

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Donner Sa Vie Pour Le Christ

Quelle joie de nous retrouver comme par le passé pour échanger ce qui nous rassemble, à travers le prisme spirituel de "Lo Tedhal" !

Pour nos retrouvailles, au cours de cette année de la Miséricorde, comment ne pas ouvrir nos yeux embués de larmes bien sûr, mais aussi brillants de joie en contemplant la façon prophétique dont le Seigneur est venu chercher le Père Jacques Hamel, le 26 juillet dernier.

Partant de ce lâche attentat, Monseigneur Lebrun, archevêque de Rouen, nous entraine dans les hauteurs de ce Ciel qu’a rejoint aujourd’hui le Père Jacques Hamel par son martyre.

Les exigences de l’Évangile jaillissent de son cœur d’évêque pour nous obliger à voir plus loin que les commentaires du "20 heures".

Il nous demande de plonger notre regard personnel dans le miroir de l’Évangile, c’est souvent douloureux, mais là se trouve la Vérité ...

Le texte suivant est celui qu’a prononcé Monseigneur Lebrun lors de la réunion d’Assise, le lundi 19 septembre, en présence des responsables de toutes les religions qui se préparaient à recevoir le Pape François le lendemain.

Nous ne serons peut-être pas appeler à témoigner de notre foi jusqu'au sang mais, comme le disait sainte Thérèse de Lisieux en parlant de martyre "à coups d'épingles", la grâce du martyre revêt aussi d’autres formes que celles de verser son sang pour le Christ.

"La Providence me conduit à Assise quelques semaines après l’assassinat du Père Jacques Hamel, à la fin de la messe, par deux jeunes hommes se réclamant d’une foi musulmane. Oui, l’esprit d’Assise est bien présent, et il porte du fruit un peu partout ! Mais voilà que le mystère du Mal semble nous submerger et venir troubler ce chemin.

Ici, je voudrais demander la grâce de continuer le chemin du dialogue, un dialogue qui soit plus fort et plus vrai, plus intérieur. Je demande quatre grâces, car j’ai soif, j’ai soif de paix :

1. Je demande à Dieu, par l’intercession de st François et du père Jacques Hamel, la grâce du pardon. Pardonner les assassins? Ce n’est pas si difficile de pardonner deux assassins, qui sont morts, mais ceux qui les commanditent, les encouragent, les approuvent, cela est plus rude. Que la Parole de Jésus s’accomplisse: "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font" (Lc 23, 34).

2. Lorsque des responsables de DAECH sont tués par des bombardements, quelle est ma pensée : ils ont ce qu’ils méritent? Ouf, en voilà quelques-uns d’éliminés ? Ou bien que va-t-il se passer pour eux en paraissant devant Dieu? Suis-je capable de prier pour leur salut, de les aimer? Je demande la grâce de les aimer comme des frères, c’est-à-dire de désirer les retrouver dans le Royaume des Cieux. Que la Parole de Jésus nous stimule et vienne purifier nos cœurs : "Moi, je vous dis : aimez vos ennemis" (Mt 5;44).

3. Le Père Jacques appartient à la lignée des martyrs. Il est bienheureux, dit le Pape François. Il n’est pas encore béatifié. Alors je reçois des lettres qui le demandent. Certains, bien informés, m’incitent à demander la dispense de 5 ans, en usage dans l’Eglise catholique. Je demande la grâce que la reconnaissance du martyre du père Hamel ne soit pas une bannière levée pour combattre et condamner; mais (…) la joie de rendre grâce pour le don d’un prêtre qui a donné sa vie comme le Christ. Que la Parole de Jésus m’habite : "Dieu a envoyé son Fils unique… non pas pour juger le monde, mais pour que par Lui, le monde soit sauvé" (Jn 3, 17).

4. Enfin, je demande la grâce d’un dialogue en vérité avec mes amis musulmans. Des questions se posent sur notre possible cohabitation, à Saint-Etienne du Rouvray, dans la banlieue de Rouen, dans nos périphéries, dans d’autres pays aussi. Dans la vie sociale et familiale, tout est-il compatible entre nos religions. Parlons-en, dialoguons. J’aimerais aussi interroger avec un infini respect mes amis musulmans sur ce que leur foi appelle soumission à un Dieu qui est au-dessus de l’humanité. Ce que les musulmans perçoivent de Dieu n’est-il pas d’un tel absolu que toute réalité, même la vie humaine, n’aurait guère d’importance en comparaison? Je voudrais, en même temps, témoigner de ma foi en Dieu qui s’est fait homme en Jésus : Dieu est entré dans l’humanité, et ainsi dans ses limites. Quel beau mystère qui élève l’homme à la dignité divine et qui, en même temps, se mêle à son histoire chaotique.

Je demande ces grâces, pour dire aussi que mon cœur a besoin d’être encore purifié. Je demande ces grâces non sans remercier déjà pour celles reçues depuis l’offrande de la vie du Père Jacques Hamel. Qu’il suffise de souligner la visite rendue par de nombreux musulmans à nos assemblées dominicales le dimanche 31 juillet. C’était bien une famille rendant visite à une famille en deuil, et cela est bon. Nous sommes de la même famille humaine, donc promis, je le crois très sincèrement, à la même famille divine. Par Jésus, mon Seigneur et mon Dieu. Merci."

Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen-France (Intervention à Assise, le dimanche 18 septembre 2016)


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