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Si ''Famille'' m'était contée...

Bertrand Lemaire

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En tant que responsable d’association familiale, je me suis soudain aperçu qu’à force de côtoyer un certain nombre d’organismes publics au service de la famille, je m’étais habituée à employer leur langage, à savoir, accoler automatiquement un adjectif au mot “famille” : nucléaire, monoparentale, recomposée, élargie, nombreuse, disloquée, etc. Prise de conscience douloureuse qui exigeait aussitôt la nécessité de fuir ces dérives actuelles pour retrouver le vrai sens de ce si beau mot “la famille”. Le bonheur de relire les œuvres du Père Labaky m’a permis de comprendre le charme et le rayonnement qu’exerce toute famille, quand elle n’oublie pas ses fondements essentiels.

Si ''Famille'' m'était contée...La famille est avant tout une communauté de générations qu'unissent une même tendresse, dont la communauté de vie est la première expression : malgré la guerre et ses destructions, malgré bien des influences extérieures, demeure, au Liban, la maison familiale qui abrite grands-parents, parents et enfants, s'agrandissant ou se multipliant au fur et à mesure des naissances et mariages. "C'est ma maison, d'autant plus vibrante qu'elle s'entremêlait aux autres maisons" dit Nassim dans "L'Enfant du Liban". Dans de nombreux villages, des quartiers entiers ont fini par porter le nom de la famille d'origine. Les enfants n'y sont jamais esseulés ou désœuvrés, connus de chacun et accueillis par tous. "Ici, personne n'est seul. Ici les enfants ont cent pères et cent mères et encore bien plus de geddos et de tétas" (Kfar Sama, Village du Liban).

Tout naturellement, la famille devient alors ce lieu de solidarité entre générations, ce ferment d'unité entre âges, tempéraments et activités variés, qui fait s'exclamer encore le jeune Nassim : "Cette certitude d'habiter une même tendresse. Cette communication toute en transparence, qui ne dit pas où commencent les uns et finissent les autres. Cette intimité fondue en une seule certitude... une famille ! Ma famille !" (L'Enfant du Liban).

Même si le geddo (grand-père) se plait à affirmer à ses enfants : "Je ne suis qu'un vieil homme, ignorant et simple" et si la téta (grand-mère) "adoucie par le temps est devenue l'arbre de Noël des grands enfants dispersés dans le village, et le miel au goût de fête de ses petits-enfants", ils demeurent pour tous l'expérience, la sagesse, la fidélité qu'honorent les jeunes générations, leur manifestant autant de tendresse que de respect. Tendresse ! Comment parler de la famille libanaise sans l'auréoler, l'envelopper de cette tendresse si naturelle qui sourd à chaque instant de chacun de ses membres ? Aucun mot ne peut mieux l'évoquer que ces quelques lignes de "L'Enfant du Liban" où le jeune Nassim se remémore l'amour dont l'entouraient ses parents disparus : "Oui, Mama, tu nous as appris toute la tendresse qui priait en toi. Tu nous as appris à voir, à écouter, à toucher la vie. Tu nous as appris que rien n'était plus beau, plus fabuleux, plus essentiel que d'aimer. Et Papa nous l'a appris avec toi... C'est cela qui reste, Maman, ce chant sourcier et nourricier que rien n'efface, parce que sans amour, c'est vrai qu'il n'y a pas d'âme... C'est en se pensant la maison de ceux qu'il aime qu'un enfant apprendra qu'il peut devenir une maison pour tout être, édifiée pour accueillir, donner sa mouneh (provision de céréales et légumineuses) en abondance, réchauffer et laisser sa porte ouverte, pour permettre à chacun de prendre son envol vers l'essentiel... Parce qu'en m'appelant votre âme, avec votre regard de tendresse, vos bras si chauds de tendresse, vos mots si clairs de tendresse, vos mains joignant les miennes pour une prière de tendresse, vous m'avez fait lumière pour l'éternité de chaque battement de mon cœur. En m'appelant votre maison, vous m'avez fait maison ouverte à toute la terre." (L'Enfant du Liban)

Quand la famille vous est ainsi contée, vous savez au plus profond de votre âme que si le Liban reste aujourd'hui "le remords du monde", toutes les familles, quelles que soient leur nationalité, qui demeurent, comme les familles libanaises, communautés d'amour, ferment d'unité et sources de vie, sont déjà L'ESPERANCE DU MONDE.

 

 


 


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