Votre compassion pour les pauvres et les exclus vous a toujours habitée ?
Un fait a marqué les premières années de ma présence au collège de Rennes, le voici brièvement ! Je remarque un jour dans la cours de récréation un garçon très misérablement vêtu. Il n’osait pas fréquenter les groupes de joueurs de billes à cause de sa tenue, tenaillé par la peur des railleries qui fusaient lorsqu’il approchait. Les enfants sont souvent cruels entre eux et la pauvreté engendre une humiliation permanente. Je ne pouvais pas supporter une telle situation.
Saisissant l’occasion d’une moquerie déplacée, je m’approche du groupe, bravant les rires narquois et propose tout simplement de faire une collecte pour venir en aide à celui d’entre nous dont les parents n’avaient pas les moyens financiers permettant de bien vêtir leur fils. Alors je tends la main pour faire la quête et demande le plus gentiment possible que chacun donne selon son bon cœur et ses moyens.
La somme recueillie est très modique mais la moquerie méchante a laissé la place à une sympathie fraternelle entre tous ! L’essentiel était atteint. Au cours de la récréation suivante, j’embarque mon condisciple et nous allons ensemble chez le mercier pour lui acheter un habit. Grande surprise dans le magasin de voir arriver deux gamins pour un tel achat ! Un peu timidement nous faisons les essais de costumes et le vêtement ad hoc est choisi entre mille. Arrive le moment fatidique où la facture m’est présentée pour un règlement immédiat ! Je regarde le total, puis je fais les comptes de ce que j’avais en poche et constate que je ne disposais que de la moitié de la somme nécessaire. La mauvaise surprise ne dura que le temps d’un éclair ! Je décide de faire confiance à la Providence pour arranger ce problème particulièrement délicat, vous en conviendrez !
Une mauvaise plaisanterie de gamins a dû penser le commerçant ?
Pas du tout, je réplique simplement au marchand : Voyez comme cet écolier est misérablement vêtu. Il n’a pas les moyens de s’offrir un autre habit. J’ai quêté dans la classe tout ce que j’ai pu pour lui en acheter un neuf. Et voici la somme que j’ai recueillie. Si ce n’est pas suffisant ne pourriez-vous pas faire la charité de ce qui manque ? Ce garçon n’est-il pas votre frère comme le mien, en Jésus-Christ ?
Argument inattendu pour une remise commerciale peu habituelle !
Tout s’est déroulé à merveille, le commerçant a été touché intérieurement et accepta aussitôt ma proposition. Vêtu de son habit tout neuf et fier comme Artaban, mon camarade a pu rejoindre sa cour de récréation. A partir de ce jour-là, il fit partie du groupe des joueurs de billes et en devint l’un des plus redoutables gagneurs. (Extraits du livre « En haute mer »)
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