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EN ROUTE VERS LE SACERDOCE

Bertrand Lemaire

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En route vers le sacerdoce

Huit ans à Rennes se sont écoulés, votre cycle secondaire est achevé. Tout proche de votre majorité, une voix intérieure vous appelle à suivre le Christ ! Etre prêtre ? Nous sommes en 1693, quelle sera votre réponse ?

Ma décision d’être prêtre est devenue définitive. La Providence permit à ma famille de recevoir à la maison mademoiselle de Montigny, une parisienne, venue à Rennes pour une session du Parlement. Mon avenir fut évoqué en sa présence, elle comprit aisément qu’à cette époque, l’éducation de mes onze frères et sœurs ne permettait pas à mes parents de subvenir à mes frais d’études. Connaissant la bonne réputation du séminaire de saint Sulpice à Paris, elle me conseilla fortement d’aller m’y former en vue du sacerdoce. Elle me proposa même d’en assumer la charge financière, dès son retour à la capitale. Mes parents acceptèrent.

L’heure de la coupure familiale a donc sonnée ?

Tout en prenant la route, je tourne la page de ma jeunesse, sans regarder en arrière. Je me livre totalement à la Providence lui faisant confiance jusque dans les menus détails matériels. Mes parents désirent m’offrir la moitié du voyage à cheval, j’ai refusé pour marcher à pied comme un pauvre. Quelques proches sont venus m’accompagner au pont de Cesson à la sortie de Rennes et me voilà parti sous une pluie battante. Marchant très rapidement, je rejoins un malheureux dont les vêtements sont en haillon, j’ouvre mon sac et l’habille de la belle « garde-robe » toute neuve que m’avait préparée en rechange ma chère maman. Continuant ma route, c’est à un autre misérable auquel je demande de me céder ses guenilles et je l’habille alors de mes propres vêtements.

Vous voilà donc dépouillé de tous vos biens ?

Détrompez-vous ! Au fond de mon sac devenu vide, il y avait un porte-monnaie contenant les dix écus donnés par mon oncle prêtre. En traversant un village je croise un autre mendiant qui me tend la main, j’y dépose aussitôt toute ma fortune … et me voilà enfin libre pour accomplir ce voyage de 300 kilomètres vers Paris.

La page est tournée, je suis devenu un enfant de Dieu à la merci de sa Providence ! Je me jette à genoux et je peux dire en vérité : « Mon Père qui est aux cieux, en tes mains j’ai déposé tous mes trésors et placé toutes mes espérances », ensuite je fais le vœu de ne plus jamais rien posséder en bien propre sur la terre, même pas mon nom, je me fais appeler Louis Marie de Montfort abandonnant « Grignion » le nom de ma famille.

Quelle fut votre subsistance tout au long de ce voyage à pieds ?

Me déplaçant toujours à grandes enjambées, je n’ai vécu que d’aumônes, mendiant mon pain et mon gîte à chaque étape. J’ose à peine évoquer ma tenue en haillons, ma barbe hirsute !

La méfiance était de mise pour ceux auxquels je tendais la main et on ne m’offrait guère que des croûtons de pain et la paille de l’écurie pour m’abriter la nuit. La pluie tombait à torrent en cette saison et cela n’arrangeait rien pour tous ceux que je croisais sur la route, mais pour moi, je goûtais enfin la joie parfaite de saint François d’Assise. Au bout de dix jours de marche, ce fut enfin Paris pour aller tirer la sonnette de mademoiselle de Montigny, dans le quartier de « saint Germain des Prés ». Elle ne m’a même pas reconnu, me prenant pour un vagabond, tant j’étais crasseux et délabré.

Que faire les poches totalement vides ?

Je me suis refait une petite santé après quelques jours de repos ! N’osant même pas me rendre au séminaire de saint Sulpice dans mon état, mademoiselle de Montigny m’a présenté à la porte d’une sorte de pré-séminaire pour les candidats les plus pauvres. (Extraits du livre « En haute mer »)


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