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DE SÉMINAIRES, EN SÉMINAIRES

Bertrand Lemaire

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De Seminaires En Seminaires

Quel était votre « cursus » dans cet établissement pour séminaristes sans moyens ?

Au terme de la première année, mon supérieur monsieur de la Barmondière, auquel je devais tout, me proposa de recevoir les « ordres mineurs ». J’ai accepté par obéissance car je ne m’en sentais pas digne. Pour m’y préparer je suis parti me recueillir dans la solitude d’un couvent à l’autre bout de Paris. Au moment où je terminais mon temps de retraite, on me prévient qu’au bout de trois jours de maladie, monsieur de la Barmondière, mon supérieur, venait de mourir subitement. Il m’avait accueilli, entretenu, écouté, consolé, encouragé avec sagesse dans ma solitude parisienne.

Tout votre univers s’effondre ainsi ? Seul et sans moyens, que faire ?

Lorsque je suis arrivé au séminaire, mes confrères m’attendaient pour voir si j’allais être bouleversé. Je l’étais assurément ! Mais j’étais habitué à m’abandonner totalement entre les mains du Seigneur. Je me souviens encore de la lettre que j’écrivis le soir même à mon oncle Robert : « Je ne sais point encore comment tout ira, si je demeurerai ou si je partirai. Quoiqu’il arrive, je ne m’en embarrasse point : j’ai un Père dans les cieux qui ne saurait me manquer. Il m’a conduit ici et m’y a conservé jusqu’à présent, il le fera encore avec ses miséricordes ordinaires ».

La communauté de monsieur de la Barmondière fut effectivement dissoute, les élèves qui pouvaient payer 260 livres furent accueillis au petit séminaire de saint Sulpice et les autres, totalement pauvres comme moi, furent recueillis dans l’annexe d’un collège.

Les conditions de vie furent probablement encore plus modestes ?

Le milieu était pieux et studieux, mais le « tous les jours » extrêmement difficiles. La nourriture était, il faut bien l’avouer, répugnante, insuffisante, et donnait la nausée, chacun devait se procurer son propre pain. Un jour c’était mon tour de cuisine, je suis tombé d’épuisement au point qu’on me conduisit au grand hôpital de l’Hôtel Dieu. Les religieuses m’ont accueilli aux portes de la mort. Les médecins pratiquèrent de multiples saignées qui m’épuisèrent encore plus, au point que le sang ne venait même plus dans leurs seringues ! Mon ami Blain vint à passer et avec une totale certitude je lui ai dit : « Non, ce n’est pas encore mon heure, je vais guérir »

Effectivement quelques jours plus tard, je fus comme ressuscité, en état de me lever, de marcher, de lire, de prier et miraculeusement j’ai pu rejoindre mes collègues sans tarder.

Une telle détresse matérielle peut-elle se conjuguer avec le sérieux des études au séminaire ?

Une fois de plus je fus récompensé de la certitude que je vous ai déjà exprimée : « J’ai un Père dans les cieux qui ne saurait me manquer ». Tout s’est arrangé ! Une bienfaitrice des séminaristes pauvres m’offrit 150 livres et pour atteindre les 260 livres réglementaires, le supérieur obtint la différence grâce à une personne de saint Julien de Concelles dans le diocèse de Nantes. Le 11 juillet 1695 j’ai pu écrire à nouveau à mon oncle : « La Providence de Dieu m’a mis au petit séminaire. Remerciez Dieu pour moi des grâces qu’Il me fait, non seulement pour les choses temporelles qui sont peu importantes, mais surtout pour les choses éternelles ». (Extraits du livre « En haute mer »)


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