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A L’AUTEL, SUR LA PREMIÈRE MARCHE

Bertrand Lemaire

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A l'autel

Une ambiance parisienne minée par la disette et des épidémies meurtrières. Ne souhaitiez-vous pas vous échapper de temps en temps?

En effet, je n’ai pratiquement jamais quitté le quartier de saint Sulpice où se trouvait le séminaire. Pendant les vacances j’y poursuivais ma vie d’oraison, mes lectures pieuses, mon service des pauvres. Mes confrères, quant à eux, se changeaient un peu les idées faisant du théâtre, participant à des jeux, composant des chansons selon les habitudes de l’époque. Je n’ai jamais été attiré par les amusements futiles des « beaux esprits » ; mon but n’était pas de plaire au monde mais de préparer dans la solitude et la réflexion, le plan de mes futurs sermons, la mélodie de cantiques pour convertir les incroyants, de façon à ne pas être pris au dépourvu lorsque je serais sur le terrain.

Avez-vous eu sur votre chemin les prêtres accompagnateurs dont vous aviez besoin spirituellement ?

J’ai eu la chance d’avoir des maîtres spirituels expérimentés dans les voies de Dieu. Ils m’ont aidé à implorer la Vierge Marie pour former en moi une âme de prêtre, conforme à l’image de son Fils. Cependant à l’approche du sacerdoce, je me sentais de plus en plus indigne et tremblant à la pensée de recevoir ce don de l’ordination. Je me suis même décidé à écrire une lettre à mon directeur de séminaire pour lui retracer le cheminement intime qui m’a conduit jusqu’au pied de l’autel. Il a beaucoup insisté pour que je poursuive ma route dans la confiance. C’est par obéissance, qu’après une ultime retraite, j’ai accepté l’appel de l’Eglise.

Par quel évêque avez-vous été ordonné prêtre ?

Faisant le catéchisme à l’église saint Sulpice, j’ai rencontré et apprécié un vicaire qui s’appelait l’abbé de Flamanville. Devenu évêque par la suite, c’est lui qui m’a conféré le sacrement de l’ordre le 5 juin 1700.

A cette époque, il arrivait à certains jeunes prêtres de retarder de plusieurs jours la célébration de leur première messe, afin de mieux s’y préparer dans la prière. Quant à moi ce sont deux ou trois jours après mon ordination que j’ai célébré ma première messe dans la chapelle de la Sainte Vierge au fond de l’église saint Sulpice dont la construction n’était pas terminée. Depuis longtemps je venais chaque semaine décorer de fleurs ce lieu dédiée à Marie que je connaissais particulièrement bien.

Certains de vos proches ont-ils assisté votre première messe ?

J’étais tellement bouleversé par ce moment intense auquel je m’étais profondément préparé, que je n’ai pas retenu de souvenirs précis. Le chanoine Blain, un de mes amis, s’est contenté d’écrire longtemps après: « On eut dit un ange à l’autel ». A cela je peux ajouter : « Mon cœur, quant à lui était déjà au paradis ». (Extraits du livre « En haute mer »)


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