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ERMITE EN PLEIN PARIS

Bertrand Lemaire

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Ermite en plein Paris

Cette activité parisienne est-t-elle pour vous l’aube d’un ministère plus stable ?

Sur mon petit carnet de notes je trouve cette remarque: « Je suis à l’hôpital général avec cinq mille pauvres pour les faire vivre à Dieu et pour mourir à moi-même. » J’y resterai cinq mois pour être l’homme de toutes les besognes, accourant au premier appel, cherchant à transmettre le sourire au milieu des plaintes et des murmures qui montent sans cesse de tant de misères accumulées. Un beau jour, sous mon assiette, je découvre un billet qui me signifie mon congé de la Salpêtrière…Jalousie, jalousie, je ne vous en dis pas plus ! Je suis toujours semblable à cette balle dans un jeu de paume !

En me mettant à la porte on me propose une indemnité et quelques vêtements, je refuse l’argent et me voici une fois encore sur le trottoir parisien à la recherche d’un refuge. Les bénédictines me proposent un repas quotidien et je trouve un réduit humide et sombre rue du « Pot de fer » près du noviciat des jésuites. Il y a tout juste une paillasse et une table boiteuse, j’oublie de vous préciser que ce réduit est situé sous un escalier avec une porte de placard pour y accéder, je suis pleinement heureux, car rien ne pourra distraire mon âme lors de mes méditations.

Vous aviez tout de même conservé quelques amis capables de tromper votre solitude ?

Non point, tous mes amis m’ont abandonné et prennent leur distance, peut-être à cause de mon originalité. Je n’ai plus d’ami ici, que Dieu seul. Il me comble de consolations merveilleuses. Je passe mes journées à contempler, à louer, à chanter les mystères de la divine Sagesse. Je découvre la face de Dieu dans une lumière d’autant plus vive que toute joie terrestre m’a été retirée. Proche des Jésuites je retrouve le Père Descartes que j’avais bien connu à Rennes, il me réconforte sur cette voie douloureuse où le Seigneur m’a conduit malgré moi.

Je ne sais comment, mais un beau jour l’archevêque de Paris a entendu parler de moi et il me confie une mission difficile et de confiance.

De quoi s’agit-il ?

Je dois rejoindre une communauté de moines ermites au Mont Valérien sur les hauteurs de la capitale. Leur règle de vie est très austère : ils sont végétariens, priants et manuels, ils doivent garder le silence perpétuel, chacun a une cellule disséminée sur le Mont Valérien. Leur supérieur hiérarchique dépend directement de l’archevêque. Sur le mont existe un calvaire monumental de trois croix accompagné de 12 chapelles représentant les stations du chemin de croix, une foule de pèlerins monte chaque dimanche et en semaine. En plus des prêtres chargés de l’accueil, les moines se sont mis à faire hôtellerie et il s’en suit un relâchement qui sème la division entre eux, au point de voir leur existence même, mise en cause.

Votre mission relève du défi !

Je ne fais que changer d’ermitage, compte tenue de ma vie rue du Pot de fer… Un froid glacial m’attendait vue la saison et surtout l’accueil des moines, peu réjouis de me voir arriver dans leur univers si protégé.

Je me suis contenté de suivre humblement leurs activités, participant aux exercices physiques et spirituels, observant le recueillement, le silence, l’oraison, la mortification. Lors de mes longues veilles à la chapelle, je n’étais vêtu que de ma légère soutane, me voyant grelotter les moines m’ont proposé leur longue coule blanche un peu plus chaude ; ainsi vêtu j’étais devenu l’un d’entre eux. Il ne me fut pas nécessaire de me lancer dans de grands sermons pour les remettre dans le droit chemin. Je choisis tout simplement le partage de leur vie, la douceur et quelques exhortations spirituelles. Petit à petit ils redécouvrent le désir d’une vie spirituelle fervente et le feu sacré est redescendu sur la colline du Mont Valérien.

Quels fruits avez-vous retirés de cette expérience ?

J’ai toujours été poursuivi par la vision de cette multitude de pèlerins venant de Paris pour se rendre à ce monumental calvaire si pédagogique pour suivre le Christ lors de sa passion. Je dois avouer que l’aventure du calvaire de Pontchâteau n’a pas été étrangère à ce que j’ai vécu au Mont Valérien et plus tard lors de mes missions je resterai fidèle à l’édification de grands calvaires. (Extraits du livre « En haute mer »)


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