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MISSION À MONTBERNAGE

Bertrand Lemaire

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Mission A Montbernage

Echec sur échec, c’est la vision humaine portée sur votre engagement ! De missionnaire chez les pauvres, vous devenez maintenant prédicateur dans la rue?

Il est vrai que ces échecs sont peut-être provoqués par mon tempérament assez original et de plus je ne fais aucune concession pour vivre l’Evangile à la lettre, ce qui en dérange beaucoup, reconnaissons-le!

Après ces quelques jours de retraite, me voici à nouveau, errant dans les rues de Poitiers, je m’éloigne du centre et me retrouve dans un quartier difficile qui porte le nom de Montbernage.

Quartier difficile ! Pourquoi ?

C’est un lieu misérable, le long d’un sentier boueux où s’entassent des masures sales et en ruines. La population est un mélange de terrassiers, de journaliers, d’aubergistes, de petits boutiquiers ; tout ce monde vit dans l’ignorance et fort loin des préoccupations religieuses, personne ne s’en occupe.

Ce quartier, un peu « hors les murs » de la ville de Poitiers, avait-il au moins un clocher pour rassembler les gens ?

Dans un premier temps, je me contente de me mêler aux gens, je retrouve quelques pauvres que j’avais été obligé de renvoyer de l’hôpital pour fautes graves, à mon passage ils lancent de mauvaises plaisanteries à mon égard, je vais vers eux et m’intéresse à ce qu’ils font, à leur travail, à leurs besoins, je vais consoler les vieillards et les estropiés ! Surtout je rassemble les enfants des rues dont je me fais rapidement des amis, certaines de leurs familles m’invitent à la maison. Arrive un moment où le contexte est favorable pour regrouper les gens, mais sainte Radegonde, la paroisse théorique de Montbernage, n’attire pas les pauvres car ils se sentent humiliés dans ce milieu plus évolué.

Je découvre une vielle grange abandonnée, adossée à la falaise, tout le monde la connaît sous le nom de la « Bergerie » car la jeunesse désœuvrée vient y danser pour « tuer le temps ». Quelques dons me permettent de l’acheter et, aidé d’un groupe de personnes de bonne volonté, elle est remise en état et même rénovée. C’est le début d’une aventure merveilleuse. Une foule de plus en plus nombreuse vient découvrir l’histoire du salut qui va être narrée, chantée, mise en scène par les enfants et par leurs parents. Bientôt des processions s‘organisent, chacun se précipite pour être acteur. De la prière jusqu’au confessionnal, c’est la joie de Dieu qui fait irruption dans les cœurs.

Ne risquiez-vous pas de marcher un peu sur les plates-bandes du curé de sainte Radegonde ? Vous étiez sur ses terres ?

Au bout de quelques semaines seulement je sentis que le moment était favorable pour organiser une manifestation solennelle à la paroisse. Nous sommes partis en procession précédés par le saint Sacrement, la statue de Marie et le livre des Evangiles. Nous avons fait le trajet depuis la Bergerie jusqu’à l’église sainte Radegonde, sous les voûtes de laquelle nous avons tous renouvelé, dans un enthousiasme extraordinaire, les engagements de notre baptême.

Votre passage à Montbernage pouvait n’être qu’un grand feu de paille sans lendemain?

Effectivement ! Mais pour enraciner tous cet acquis, je leur ai remis une image de la Vierge à la condition qu’ils viennent prier le chapelet devant elle tous les dimanches, plus les jours de fête et même réciter une prière plus brève, chaque jour à midi. Un ouvrier nommé Jacques Goudeau se propose alors pour accueillir et organiser cette prière ; il y sera fidèle durant quarante ans. Pendant deux siècles les sœurs de la Sagesse prendront le relais de ce sanctuaire, appelé « Marie Reine des Cœurs ». (Extraits du livre « En haute mer »)


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