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RETROUVAILLES EN FAMILLE

Écrit par Bertrand Lemaire Dimanche, 08 Mai 2022 00:00

Bertrand Lemaire

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Retrouvailles En Famille

Treize ans après avoir quitté votre famille pour « monter » à Paris, vous voilà à Rennes la ville de votre enfance ! Vos parents y demeurent maintenant, irez-vous frapper à leur porte ?

J’ai renoncé à tout pour suivre le Christ, il est lui-même ma nouvelle famille. Je pensais particulièrement à cette parole de Jésus à ses parents lors qu’ils l’ont retrouvé après trois jours d’absence : « Ne savez-vous pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père ? »

Ne pensiez-vous pas au moins aller loger chez eux ?

Même pas ! Je ne voulais pas être à leur charge et encore moins les humilier par ma vie de clochard. Et puis comme je vous l’ai dit, je voulais vivre dans le plus strict abandon à la Providence. Je voulais être libre d’aller là où l’Esprit m’appelait. Cela me rappelle les débuts de mon ministère auprès des pauvres à Poitiers, j’avais écrit à ma famille : « Je prie tous les jours pour votre salut et je le ferai pendant votre vie et après votre mort. Mais ne m’embarrassez pas de mes frères et de mes sœurs. J’ai fait pour eux ce que Dieu a demandé de moi par charité. Je n’ai pour le présent aucun bien temporel à leur procurer étant le plus pauvre de tous. Je les remets avec toute la famille entre les mains de celui qui l’a créée. Qu’on me regarde comme un mort. Je ne prétends rien obtenir de la famille dont Jésus-Christ m’a fait naître. Je renonce à tout y compris à mes biens et à ma patrie. Mon Père et ma Mère du ciel sont là-haut ».

Eh bien « bonjour la famille », monsieur de Montfort ! Vous ne semblez éprouver aucun remords ?

Je reconnais que ma vocation est un peu spéciale, aussi radicale que l’Evangile ! Je dois être un témoin de l’absolu de Dieu et un authentique messager de son amour.

Alors que faisiez-vous à Rennes toute la journée ?

Je logeais chez une pauvre femme qui hébergeait des hommes de peine et les nourrissait de lait et de galette de blé noir. Le matin je célébrais la messe dans une église qui m’était familière dans ma jeunesse; puis dans la journée je m’enfermais dans l’hôpital avec les enfants abandonnés, les vieux et les infirmes.

Par rapport à votre famille c’était un peu : « pas vu, pas pris » ?

Vous ne croiriez pas si bien dire ! Mon oncle découvrit ma présence grâce à un vieux de l’hospice qui m’avait reconnu. Il me supplie à plusieurs reprises de venir loger et manger à la maison. Je lui objecte les exigences de mon idéal missionnaire, mais il insiste tellement qu’à la fin, j’accepte par charité d’aller prendre un repas en famille.

Alors ce fut une fête extraordinaire ?

Toute la parenté s’était donné le mot pour se retrouver dans la salle à manger de mes parents. Lorsque je suis arrivé, après treize années d’absence, ma venue représentait un événement exceptionnel pour chaque membre de la famille au sens large du terme. Nous avons commencé le repas en récitant ensemble le « bénédicité » et ensuite j’ai saisi la plus grande assiette blanche que j’ai trouvée sur la table, je l’ai garnie de tout ce qu’il y avait de meilleur au menu pour l’offrir aux pauvres de la paroisse. Mais consolez-vous, les agapes familiales se sont fort bien passées dans une très grande joie et une profonde affection. La conversation a permis de s’intéresser à chacun et en particulier à mes parents qui eurent la joie de venir assister à ma messe chaque matin pendant mon séjour. (Extraits du livre « En haute mer »)


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