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L’HUMOUR AVEC SON FRÈRE DOMINICAIN

Écrit par Bertrand Lemaire Dimanche, 22 Mai 2022 00:00

Bertrand Lemaire

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Lhumour Avec Son Frere Dominicain

Vous n’avez pas la réputation d’être un personnage très blagueur : mortifications, prédications exigeantes, sévères remontrances, etc. Vous arrive-t-il d’avoir un peu d’humour dans votre vie?

Voici une petite histoire de famille ! Prêtre depuis 6 ou 7 ans, mes pérégrinations me conduisent dans ma région natale à la bonne ville de Dinan. Particulièrement fatigué et amaigri, je venais donc de faire à pied ce long voyage aller et retour de Rome pour rencontrer le Pape. Depuis 10 ans que je n’étais pas revenu au pays, mon visage avait pris quelques rides et je pensais bien que certains auraient du mal à me reconnaître.

Quel rapport avec votre humour ? …

Dans ma famille, j’ai un frère religieux chez les vénérables pères Dominicains à Rennes, il s’appelle Joseph Pierre et je lui avais donné des leçons jadis pour l’aider dans ses études. Il se trouve qu’un matin je décide d’aller célébrer ma messe justement chez les dominicains. Je m’y rends donc avec frère Mathurin qui ne me quittait jamais. Le sacristain de service était justement mon frère Joseph Pierre, c’est lui qui m’ouvre la porte, je le reconnais tout de suite mais lui ne me reconnaît pas ! Un peu coquin, je l’aborde très respectueusement en lui disant : « Mon cher Frère, je vous prie de me donner des ornements pour dire la messe ».

Quelle tête faisait-il ?

Je le sentais de mauvaise humeur et vraiment choqué d’avoir été pris pour un simple frère convers, alors qu’il était prêtre déjà depuis 8 ans. Il ne supportait pas d’avoir été appelé Frère au lieu de Père. Pour un dominicain c’est en effet un peu gros à avaler …

En représailles, il va chercher dans la sacristie les plus vieux ornements qu’il peut trouver et, pour l’autel, apporte deux bouts de chandelles longs comme le doigt …

L’air de rien, à la fin de la messe je le remercie le plus aimablement possible allant même jusqu’à lui demander de me réserver les mêmes ornements pour le lendemain matin …

Froissé par ma persistance à l’appeler frère, pendant mon action de grâce il demande à Mathurin qui était ce prêtre qui n’avait aucun savoir vivre : « Je veux qu’il sache que je suis Père, que je dis la messe, que je prêche et que je confesse ».

Le piège se referme donc sur frère Mathurin ! Il joue le jeu et prenant un air faussement embarrassé il lui répond : « C’est un prêtre étranger qui n’est pas complètement au courant des usages » …

Le même jour dans l’après-midi, tout à fait par hasard, l’un et l’autre se rencontrent en ville et Joseph Pierre d’un ton inquisiteur lui demande à nouveau le nom de ce prêtre dont il avait servi la messe ce matin. Mathurin sourit malicieusement et lui répond : « Mais c’est monsieur de Montfort ».
« Ce nom-là m’est inconnu », lui est-il répondu.
« Comment ?, s’exclame frère Mathurin, Vous ne connaissez pas Louis Grignion, de Montfort la Cane ? »
« Mais alors c’est mon frère » dit Joseph Pierre !

Le lendemain matin notre sacristain tout souriant me saute au cou, mais il me reproche de ne pas m’être fait reconnaître en arrivant. Je lui ai alors répondu avec le maximum de naturel : « Mais de quoi vous plaignez-vous ? Je vous ai appelé mon cher Frère… Pouvais-je vous donner des marques plus tendres de mon affection ? » (Extraits du livre « En haute mer »)


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