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A NANTES: BAGARRES SUR BAGARRES!

Bertrand Lemaire

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A Nantes Bagarres Sur Bagarres

Monseigneur de Beauvau, évêque de Nantes, vous appréciait particulièrement au point de vous inviter à prêcher une mission à saint Similien, l’une de ses plus belles paroisses.

C’est là que des ecclésiastiques réticents à mon égard, viennent m’écouter pour se faire une idée de mon personnage. Des témoins m’ont dit que la plupart sont repartis, pleurant d’émotion et de repentir à la fin de mes entretiens.

Vous pourriez penser que pour moi c’était le bonheur parfait ? Mon vrai bonheur était plutôt de trouver des croix sur ma route pour obtenir la conversion de ceux qui venaient m’écouter. Côté croix, j’en ai été particulièrement comblé à Nantes, parce qu’au cours de mes sermons, je réprouvais vigoureusement les débauchés, les vicieux et ceux qui étaient la cause de scandales. Donc, tous ceux qui se sentaient visés m’ont voué une haine implacable, ils voulaient tout simplement supprimer ce prêcheur gênant et ils cherchaient véritablement la bagarre.

Ils n’en sont tout de même pas venus aux mains ?

Tenez, un exemple parmi d’autres : Un soir, entre chien et loup, des voyous se regroupent au coin d’une rue et se jettent sur moi. N’étant pas un homme à me laisser faire sans réagir, je me défends, ce qui provoque rapidement un gros attroupement de curieux, certains viennent me dégager et à leur tour ils reçoivent une pluie de coups de bâtons et de cailloux. Pris cependant de pitié pour ces pauvres gamins, je dis à mes défenseurs : « Laissez-les, ne leur faites pas de mal, ils sont plus à plaindre que moi. » Ce que je ne peux tolérer c’est le péché public qui entraîne au mal les faibles et insulte Dieu en face. Quand je vois quelqu’un qui faute ostensiblement, je lui fonce dessus sans aucun respect humain et je deviens même téméraire.

Vous ne vous en prenez qu’aux voyous ?

L’autre jour je traverse la Place Royale, l’âme en prière. Je croise un officier qui se met à blasphémer violemment le nom du Seigneur. D’un bond je me tourne vers lui et je lui reproche publiquement ses odieuses paroles. L’admonestation est si impérieuse que le malheureux décontenancé se met à genoux et baise la terre pour demander pardon de sa faute.

Ces jours-ci encore, non loin de la cathédrale une bagarre brutale éclate entre des artisans et des soldats avec des cris et des jurons. Je fends le cercle des badauds que le spectacle amuse, puis je me mets à genoux sur le sol et je baise la terre, puis, me jetant dans la mêlée, je parviens à séparer les batailleurs qui s’en vont chacun de leur côté.

Mais pourquoi ces bagarres continuelles ?

Des curieux qui assistaient m’ont assuré que cela se produisait quotidiennement et qu’elles étaient provoquées par un certain jeu « blanc et noir » dont raffolent les soldats. En un tournemain je leur arrache ce jeu qu’ils venaient de récupérer et je le brise en mille miettes sous leurs yeux. Leur colère se rallume, mais contre moi cette fois-ci. Ils menacent de me passer leur épée à travers le corps si je ne leur paie pas sur le champ 50 livres. Je n’ai pas un centime en poche leur répliquais-je, mais je verserais volontiers une forte somme pour faire disparaître vos jeux de hasard.

Les affaires se sont-elles calmées ?

Non point, l’affaire se gâte, mais heureusement un soldat plus calme dit aux autres : « Ne le frappons pas, il nous arriverait malheur, menons le au gouverneur qui nous rendra justice.» C’est ainsi que les soldats me conduisent au château, suivis d’une nombreuse populace qui fait un bruit épouvantable. Quant à moi, je dis mon chapelet à haute voix, en marchant si vite qu’ils avaient du mal à me suivre. A mon grand regret, des amis me reconnaissent et me libèrent de leurs mains. J’aurais tant voulu être prisonnier pour l’amour de Jésus-Christ. (Extraits du livre « En haute mer »)


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