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CHEZ UN CURÉ RÉSISTANT

Bertrand Lemaire

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Chez Un Cure Resistant

La paroisse de la Chevrolière était réputée pour le différent qui opposait le presbytère et le château. C’est dans ce climat hostile que vous devez prêcher votre mission à la demande de l’évêché. Mais vous n’êtes pas l’homme des concessions !

Le soir de mon arrivée je ne demande pas l’hospitalité au curé de la paroisse, un vieux hangar me suffit. Pendant trois semaines ce prêtre ne cesse de blâmer ceux de ses paroissiens qui se joignent à ma retraite, et pourtant leur nombre s’accroit de jour en jour. En colère il vient devant l’autel au cours d’un de mes sermons et s’exprime : « Vous perdez votre temps à venir à cette mission, mes frères, on ne vous y apprend que des bagatelles ; vous feriez bien mieux de rester dans vos maisons et de travailler pour gagner votre vie et celle de vos enfants ». Je reçois ces propos méprisants les yeux baissés et les mains jointes puis je me rends devant l’autel du saint Sacrement pour y chanter le Te Deum en guise de reconnaissance pour cette humiliation, gage de nombreuses conversions. Une autre fois ce sont des paroissiens hostiles, accompagnés du curé et de son vicaire, qui m’invectivent devant l’église ainsi qu’une fausse dévote chargée de m’accuser des pires détails les plus sordides qui sont aussitôt colportés jusqu’à l’évêque.

Non content d’accepter ces brimades, vous semblez les accueillir comme une véritable bénédiction ?

Il est vrai que le Seigneur m’éprouvait jusqu’à mettre ma santé en péril ! Quinze jours avant le terme de cette même mission, je suis pris de fièvre et de problèmes intestinaux qui me réduisent à néant. Je poursuis ma tâche tout en préparant la clôture au cours de laquelle une croix devait être plantée dans un lieu éloigné où l’on se rendait en procession. Le jour venu des pluies diluviennes transforment les chemins en ruisseaux de boues. En esprit d’expiation, je demande à ceux qui portent la croix de se mettre pieds nus, ce que je fais également accompagné de deux cents hommes. Au moment d’ériger la croix je suis blême et exténué, chacun attend ma fin... Lorsque tout se termine, je suis totalement guéri et en pleine forme.

En quels termes avez-vous quitté le curé de la Chevrolière ?

Grâce à son hostilité envers moi, il avait été l’instrument de nombreuses conversions. Je l’ai embrassé cordialement en lui disant : « Je prierai toute ma vie le Seigneur pour vous. J’ai trop d’obligations pour ne jamais vous oublier ».

J’ai toujours été convaincu que le Seigneur se servait de moi comme ce fut le cas pour Simon de Cyrène. Il me chargeait continuellement des plus lourdes croix qui irradiaient mon âme d’une joie intérieure que je ne peux décrire. (Extraits du livre « En haute mer »)


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