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MISSION À VERTOU

Bertrand Lemaire

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Mission A Vertou

Au cours de vos missions, comment étiez-vous reçu par le clergé et les paroissiens ?

Le « comité d’accueil » n’a pas toujours eu le sourire aux lèvres en me voyant arriver, bien des prêtres font grise mine et à l’église, il faut souvent briser la glace. Mais, vous le savez, ces difficultés sont toujours pour moi une promesse de succès spirituel pour la mission.

Dans cet esprit, je vais vous raconter la mission que j’ai donnée à Vertou en Loire Atlantique.

J’arrive avec mon confrère, monsieur des Bastières, dans cette petite ville où beaucoup de nantais ont leur résidence de week-end, leur maison de campagne. A l’image de ces bords de Sèvre, tout baigne dans le calme et la sérénité. L’accueil qui m’est réservé ce jour-là est véritablement exceptionnel. Le Curé et les vicaires nous ont reçus très chaleureusement. La chambre, les repas, la décoration ont été préparés comme s’il s’agissait d’un évêque. Quant à la population elle remplissait l’église longtemps avant le début des enseignements pour être sûr d’avoir une bonne place. Mais, dès le deuxième jour, je demande à monsieur des Bastières de me rejoindre dans ma chambre après la prière du soir. Il me trouve soucieux, tracassé, comme malade et il s’inquiète de me voir ainsi. Pour me remonter le moral, il résume une situation que nous n’avions encore jamais rencontrée jusqu’à ce jour : tout « baigne dans l’huile » si l’on peut dire : le Curé, les vicaires, le sacristain, les enfants de chœur, les châtelains, les hommes, les femmes, les enfants, tout ce petit monde se presse dans l’église et pendant les sermons, on entend une mouche voler. Que désirer de mieux ? Où est le problème ?

Quel était donc ce tracas qui vous rendait si morose ?

Je me souviens exactement de ce que j’ai répondu à mon confrère : « Mon cher ami, que nous sommes mal ici, nous sommes trop à notre aise ; nous sommes très mal, notre mission sera sans fruits parce qu’elle n’est pas fondée ni appuyée sur la croix. Nous sommes ici trop aimés, voilà ce qui me fait souffrir. En conclusion je lui ai dit cette phrase de cinq mots qui restera célèbre à l’avenir : Pas de croix, quelle croix ! Quelle affliction pour moi ».

Alors quelle décision avez-vous prise en fin de compte ?

Voilà ce que j’ai dit à mon confrère : j’ai décidé de finir cette mission dès demain matin, que vous en semble mon cher ami ? Ne serions-nous pas mieux en une autre paroisse à porter la croix de Jésus Christ, notre cher Maître que d’être ici sans rien souffrir ?

Il m’a répondu exactement ceci : « Vous feriez mal de laisser en plan l’œuvre de Dieu, si vous n’avez pas de croix ici, ce n’est tout de même pas de notre faute, c’est probablement la première mission où nous n’en trouvons pas sur notre route ». Je me suis rendu à ses arguments. Nous avons donc poursuivi cette mission de Vertou qui dura un mois complet. Malgré mes craintes, Dieu y répandit ses grâces et ses bénédictions en abondance.

Vous n’avez donc pas eu la moindre contrariété au cours de cette mission ?

Si bien sûr ! Un des frères qui m’accompagnait est tombé gravement malade au point d’envisager l’extrême-onction. Je lui demande de me donner la main, il ne parvient même pas à se tourner sur le côté, il reste immobile. Je lui demande alors s’il accepte de m’obéir, il est d’accord. Alors, après avoir prié, je lui commande de se lever et de venir dans une heure faire son service de table pour le déjeuner. A l’heure précise il était à son poste. (Extraits du livre « En haute mer »)


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