Imprimer

CHEF DE CHANTIER

Bertrand Lemaire

Changer taille:

Chef De Chantier

Les habitants de la grande Brière sont dotés d'un caractère fort et frondeur, la paroisse de Cambon vous invite à prêcher une mission ! Un défi ?

Une fois de plus les danses et les fêtes locales perturbent la vie paroissiale. Remettre de l’ordre est mon premier travail ! L’église paroissiale est dans un état déplorable à l’image des âmes. Elle ressemble à une grange abandonnée où l’on y ressent le froid d’un hiver sans fin et surtout l’indifférence religieuse me glace le cœur. La voûte est lézardée et lépreuse, des meubles poussiéreux s’adossent à des murs souillés. Au sol des pavés disjoints sont les pierres tombales et les chaises boiteuses sont entassées en désordre. Comment célébrer les divins mystères dans une telle église ?

Le Curé est d’accord, je décide de frapper un grand coup. Un jour après le sermon du matin, je demande aux femmes de sortir et, aux hommes qui restent, je fais une déclaration ferme et émue sur le piteux état de leur église.

Le chef de chantier entre en action ?

Je donne mes ordres : « Mettez-vous huit sur chaque pierre tombale, quatre sur celles qui sont moins pesantes et deux sur chaque pavé, sortez toutes ces pierres dans le cimetière. »

En peu de temps la nef fut dépavée. Le lendemain les maçons, tailleurs de pierres refont le pavage en un jour et demi, puis on se mit à blanchir les murs. Avec une foi renouvelée les paroissiens purent prier et célébrer les offices dans une église digne de ce nom.

Quelques mois après, ce sont les paroissiens de Crossac qui sont sollicités pour une restauration de leur église. Elle n’était pavée que dans la partie du sanctuaire. Dans la nef, les habitants, pauvres comme riches, s’étaient arrogé le droit de se faire enterrer comme dans un cimetière, si bien que la terre ressemblait à un champ labouré. L’évêque et les autorités du Parlement n’avaient jamais réussi à remédier à cette situation.

Au cours de la mission j’ai expliqué que seuls les martyrs et les saints avaient le privilège de voir l’église accueillir leur sépulture. J’ai demandé aux notables de renoncer à ce privilège qui leur avait été reconnu. Ils acceptèrent et aussitôt nous nous sommes mis au travail : l’Eglise fut pavée et ornée, le cimetière fut enclos pour empêcher le bétail de venir y paître.

Cette action commune détendit l’atmosphère et permit de nombreuses réconciliations, d’éteindre des inimitiés, d’arranger des querelles et des procès, de faire restituer à chacun son dû et surtout, par la confession, d’amener les âmes à se décharger des fardeaux d’injustices qui leur ôtaient toute joie de vivre.

La clôture de la mission fut une fête inoubliable lorsque dans le temple restauré, la prière de tous put monter solennellement vers le Seigneur. (Extraits du livre « En haute mer »)


Powered by Web Agency

Textes Liés: