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JÉRUSALEM S’INSTALLE À PONTCHATEAU …

Bertrand Lemaire

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Jerusalem S Installe A Pontchateau

En l’année 1709, quatre lignes d’un de vos cantiques révèlent l’audace apostolique et l’intrépidité qui vous habite :

« Hélas ! Le Turc retient le Calvaire
Où Jésus-Crist est mort.
Il faut chrétiens, chez nous-même le faire,
Faisons un calvaire ici, faisons un calvaire. »

L’idée est lancée, ce sera l’épopée du Calvaire de Pontchâteau …

En effet j’ai choisi le site, ce sera en Bretagne ma région natale, à côté de Pontchâteau sur un mamelon d’où l’on peut découvrir trente clochers par temps clair. J’ai commencé à tracer sur le sol trois cercles concentriques : sur le premier s’élèvera la colline du Calvaire avec les déblais qu’on va obtenir en creusant un large et profond fossé entre les deux autres cercles. Tout en travaillant chacun fredonnera ce refrain :

« Travaillons tous à ce divin ouvrage
Dieu nous bénira tous,
Grands et petits, de tout sexe et tout âge
Faisons un calvaire à Dieu, faisons un calvaire. »

Des douves qui sont creusées sortiront des milliers de hottes de terre pour créer la colline qui progresse. Tout autour sur le chemin de ronde, on plantera un rosaire végétal, cent cinquante sapins, recoupés en dizaines par quinze cyprès. Lentement, en redisant l’Ave, on montera vers la croix non sans faire halte devant des chapelles commémorant les mystères de Jésus et Marie. Ainsi se traduisait sous une forme monumentale « A Jésus par Marie ».

Qui participait à ces travaux monumentaux ?

Dans une fraternité touchante, paysans et châtelains, nobles dames et simples bergères affouillent le sol jusqu’à s’ensanglanter les mains. On comptait souvent une centaine de paires de bœufs sur le chantier.

Les travailleurs ne cessaient d’affluer. Chaque jour, il y en avait plusieurs centaines venant de plus en plus loin, de Vendée, de Bretagne, de Normandie et jusque des Flandres et d’Espagne. Beaucoup de pauvres aussi, auxquels la nourriture était assurée par les fermiers des alentours. Et cela dura de mai 1709 à septembre 1710. Je n’allais que rarement sur le chantier étant pris par mes missions. Frère Mathurin s’y rendait pour relancer la prière et les chants.

Comment parveniez-vous à nourrir tout ce monde ?

Ceux qui le pouvaient apportaient le nécessaire, mais en cette année de grande disette dans le royaume, bien des pauvres affluaient pour travailler et surtout se nourrir. C’est moi qui allais faire la quête. Plus le temps passait, plus les fermiers voyaient leurs greniers se vider ! L’un d’entre eux me voyant arriver dit à sa femme : je vois le bon père avec sa besace, je ne voudrais rien lui refuser mais nos réserves s’épuisent ! Dis-lui que je suis parti.

Ah bon père ! vous tombez mal dit la femme, il est parti et ne rentrera pas de sitôt … Je l’interromps : pourquoi essayer de me tromper ? De la fontaine je l’ai entendu dire : je vais me cacher dans la crèche aux bœufs…

Rougissante la pauvre femme ne sait quoi dire et le fermier tout penaud me dit: « Tant que j’aurai du pain je le partagerai avec vos pauvres ».

Je l’ai remercié en l’assurant que son geste ne fera pas diminuer les réserves de son grenier ! Dieu vous bénira vous et vos enfants.

Pendant quinze mois ce sont vingt mille travailleurs qui ont peiné sur la lande. La colline a été surélevée de plus vingt mètres. Trois croix la dominent en plein ciel.

Sont présentes aussi les statues de Marie, Jean, Madeleine. A vingt lieues à la ronde on peut les apercevoir.

Au cours de l’été 1710 ce sont des milliers de pèlerins qui viennent de partout pour voir et prier. Il ne restait plus qu’à organiser l’inauguration de l’ensemble. (Extraits du livre « En haute mer »)


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