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L’INAUGURATION DU CALVAIRE DE PONTCHATEAU

Écrit par Bertrand Lemaire Dimanche, 07 Août 2022 00:00

Bertrand Lemaire

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L Inauguration Du Calvaire

Ce fameux calvaire c’était du jamais vu dans la région ! Grande fébrilité à l’approche de l’inauguration en présence de toutes les autorités civiles et religieuses. Quelle date aviez-vous choisie ?

A l’évidence j’ai retenu le 14 septembre jour où l’église célèbre la fête de l’exaltation de la sainte Croix. Aussitôt la date connue, ce fut un ébranlement général dans toute la Bretagne et les contrées environnantes. Dès les premiers jours de septembre les pèlerins arrivaient déjà et s’entassaient même dans les paroisses voisines : « La joie était universelle et la piété se promettait un beau jour ». On escomptait une foule de vingt mille pèlerins. Quant à moi je préparais tout le déroulement de cette grandiose cérémonie.

Le 13 septembre à 16h00 précises, un prêtre envoyé d’urgence par l'évêque de Nantes me rejoint avec un pli à mon intention. J’y découvre l’interdiction épiscopale de toute manifestation pour l’inauguration de l’ouvrage réalisé à Pontchâteau. Toujours confiant en la Providence, je pars directement à pied pour Nantes dans le but de rencontrer l’évêque afin d’en savoir un peu plus et éventuellement obtenir qu’il revienne sur sa décision. Non seulement la décision fut confirmée mais assortie d’une obligation de détruire tout l’ouvrage en fonction d’un ordre du roi Louis XIV.

Et sur place que s’est-il passé ?

Toute la cérémonie eut lieu comme prévu, mais en mon absence ! Seule la bénédiction du calvaire dut être supprimée par obéissance. D’après les participants, ce fut une journée splendide au cours de laquelle les acclamations à la croix du Sauveur ne cessèrent de retentir, une véritable « exaltation de la sainte Croix ».

Pour moi je vivais les jours d’épreuves et d’humiliations comme des jours de fête, j’ai donc été comblé en ce 14 septembre.

Avez-vous eu connaissance du pourquoi de cette mesure imprévisible ?

L’Origine venait du sénéchal du duc de Coislin qui avait été vexé de la restauration de l’église de Campbon sur les murs de laquelle on avait badigeonné et fait disparaître ses armoiries au cours de la mission. De plus ce sénéchal constatait l’assainissement moral que mes missions provoquaient dans la région, contrariant par voie de conséquence ses intérêts locaux.

Par relations, l’affaire remonta jusqu’au gouverneur de haute Bretagne et par insinuations jusqu’à Louis XIV. On laissait penser que si ce calvaire tombait aux mains des Anglais, il constituerait un lieu d’observation préjudiciable aux intérêts de la France.

Qu’avez-vous fait à la suite d’une telle humiliation ?

Le 15 septembre je repasse par Pontchâteau où je demande à la foule encore présente, d’accepter les voies du Seigneur dans l’obéissance, puis je commence une nouvelle mission à Saint Molf non loin de là. Au quatrième jour, un envoyé de l’évêque m’apporte un pli me demandant de quitter immédiatement le diocèse avec interdiction de prêcher et de confesser sur ses terres …Une ultime démarche à l’évêché est sans lendemain, elle me confirme l’urgence de la démolition du calvaire par lettre de cachet du roi.

A genoux devant l’évêque je me contente de lui dire : « Dieu soit béni ! Je n’ai jamais songé à ma gloire, mais à la Sienne. J’espère qu’Il me recevra avec la même faveur que si j’avais réussi ».

Avez-vous eu connaissance de la pensée profonde de l’évêque ?

Il a dit à son vicaire général : « Ou monsieur de Montfort est un grand saint, ou il est le plus insigne des hypocrites ».

C’est au cours d’une retraite chez les jésuites que je suis allé offrir toutes ces épreuves, avant de poursuivre ma mission. (Extraits du livre « En haute mer »)


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