Imprimer

EN DANGER DE MORT À LA ROCHELLE

Écrit par Bertrand Lemaire Dimanche, 21 Août 2022 00:00

Bertrand Lemaire

Changer taille:

EN DANGER DE MORT À LA ROCHELLE

Les évêques de Luçon et de La Rochelle vous accueillent avec bienveillance, c’est une bonne occasion pour vous de franchir la Loire en 1711 afin de répondre à leurs sollicitations. C’est ainsi que vous animez les missions de la Garnache, Saint Hilaire de Loulay, Luçon et ensuite La Rochelle, lieu d’élection pour les libertins, les jansénistes et les calvinistes. Votre vie a même été mise en danger ?

Prêchant un soir dans la chapelle de l’hôpital, je vois entrer trois garçons désinvoltes et fanfarons pour me braver et m’interrompre. Devinant leur intention perverse je les apostrophe : « Ces trois messieurs qui viennent d’entrer avec leur perruques poudrées sont suscités par le démon pour empêcher les fruits de la mission, leur place n’est pas ici ! Qu’ils sortent ou je descends de la chaire ». Ils sortent mais en jurant de se venger.

A quelque temps de là, par une nuit noire je me rends chez un sculpteur avec frère Mathurin et monsieur des Bastières. A l’entrée de la rue qui y conduisait, j’ai dit : « Retournons, nous risquons de nous égarer par ici » et c’est en faisant un très long détour que nous parvînmes chez l’artiste. Au retour, monsieur des Bastières me demande pourquoi j’ai modifié mon itinéraire ; je lui ai répondu que je ne savais pas pourquoi mais qu’en entrant dans la rue, mon cœur était devenu froid comme glace et que j’étais comme cloué au sol.

Vous n’avez jamais su le fin mot de l’affaire ?

Un long moment après, monsieur des Bastières revenant de Nantes vers la Rochelle fit route avec sept cavaliers qui, chaque soir à l’heure du diner, remettaient toujours le Père de Montfort sur le tapis en parlant de moi comme du plus grand scélérat de l’univers. Au dernier soir, l’un d’eux après avoir raconté comment ils avaient perdu la face à la chapelle de l’hôpital saint Louis, ajouta ceci : « Depuis, nous avons cherché cent fois l’occasion de le rencontrer seul, à l’écart, pour lui régler son compte… Un dimanche soir, alors qu’il devait se rendre chez Adam le sculpteur, avec frère Mathurin, nous l’avons attendu de sept heure du soir à onze heures au tournant de la rue, mais il n’y vint point ! Nous lui aurions cassé la tête s’il était passé par là… Et le frère Mathurin nous l’aurions envoyé au diable avec son Maître ».

A La Rochelle, votre mission prêchée aux militaires est restée célèbre !

En effet une grande mission a été donnée aux officiers et aux hommes de troupe dont un grand nombre ne savait pas lire. J’ai composé pour eux des cantiques résumant l’essentiel.

Sous les yeux des Rochelais ce fut l’étonnante procession de tous ces soldats, marchant pieds nus, un crucifix dans une main et un chapelet dans l’autre, derrière un de leurs officiers portant l’étendard de la croix. Les uns chantaient : « Sainte Mère de Dieu, demandez pour nous », les autres répondaient en regardant leur crucifix : « l’amour de Dieu ». (Extraits du livre « En haute mer »)


Powered by Web Agency

Textes Liés: