ImprimerEnvoyer

LES CORSAIRES DE L’ILE D’YEU

Bertrand Lemaire

Changer taille:

Les Corsaires De Lile Dyeu

Venant de La Rochelle, vous souhaitez vous rendre à l’île d’Yeu où vivaient, comme on le disait à l’époque, "des gens fort sauvages parce qu’ils n’avaient presque aucun commerce avec le reste des hommes".

La traversée était en effet très périlleuse car les corsaires étaient à l’affût de tous ceux qui tentaient le passage pour les dépouiller et même les faire prisonniers.

Au départ de La Rochelle, impossible de trouver le moindre passeur, je me suis rabattu sur les Sables-d’Olonne.

Mais lorsque nous y sommes arrivés, on nous assura que, depuis quinze jours, cette île était investie de tous côtés par des corsaires de Guernesey qui rôdaient tout autour. Nous avons été obligés d’aller à St-Gilles, mais tous les matelots nous dirent la même chose que ceux des Sables-d’Olonne et refusèrent tous de nous passer.

Votre projet est donc tombé à l’eau …

Pratiquement, mais juste avant de repartir, j’ai procédé à une dernière tentative auprès d’un maître de chaloupe qui a consenti enfin à nous passer, après moult supplications et promesses de ma part. Le lendemain nous nous sommes donc embarqués !

Mais lorsque nous fûmes à trois lieues en mer, nous apercevons deux vaisseaux corsaires de Guernesey, qui venaient sur nous à toutes voiles. De plus, nous avions le vent contraire et nous n’avancions qu’à force de rames.

Tous les matelots s’écrièrent : “Nous sommes pris ! Nous sommes pris !” Et ces pauvres gens poussaient des cris lamentables, capables de faire pitié aux cœurs les plus endurcis. Cependant, je chantais des cantiques à pleine voix, et je demandais à tous de chanter avec moi. Mes compagnons avaient plus envie de pleurer que de rire, et tous gardaient un morne silence.

Alors je leur dis : “Puisque vous ne pouvez chanter, récitons donc ensemble notre chapelet.” Nous l’avons récité ensemble, avec le plus de ferveur qu’il nous fut possible et à un moment je leur dis: “Ne craignez rien, mes chers amis, notre bonne Mère la Sainte Vierge nous a exaucés, nous sommes hors de danger.”
Et pourtant, nous étions déjà à la portée du canon de ces vaisseaux ennemis.

Mais vos matelots n’ont pas réagi ?

Justement l’un d’entre eux se mit à hurler: “Comment serions-nous hors de danger, l’ennemi est sur nous et prêt à fondre sur notre barque ? Préparons-nous plutôt à faire le voyage d’Angleterre.” Alors je leur ai répliqué: “Ayez la foi, mes chers amis, les vents vont changer.” Effectivement, la chose arriva.

Un moment après nous vîmes les deux vaisseaux ennemis virer de bord, et les vents étant tout à fait changés, nos vaisseaux s’éloignèrent les uns des autres, et nous commençâmes à respirer et à nous réjouir. Nous chantâmes de bon cœur le Magnificat en action de grâces.

Enfin arrivés à bon port, nous avons été parfaitement bien reçus par les habitants de l’Ile d’Yeu, mais très mal par celui qui en était le gouverneur et par tous ses amis qui me persécutèrent pendant tout le temps que dura la mission.

Cela n’empêcha pas les habitants de l’Ile de profiter de tous les exercices spirituels. On planta à la fin une croix, pour bien prouver à la postérité qu’on avait fait mission en ce lieu-là. (Extraits du livre « En haute mer »)


Powered by Web Agency