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MISSION CHEZ LES MARINS

Bertrand Lemaire

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MISSION CHEZ LES MARINS

Au cours d’une mission à Esnandes, vous avez eu maille à partir avec une population plutôt récalcitrante dans ce village : les marins avaient décidé de faire la fête plutôt que de venir vous écouter ?

Les Jésuites avaient souhaité venir prêcher avec moi dans ce secteur et cela commençait à se savoir, si bien que les foules se pressaient en grand nombre à chaque fois qu’une mission s’organisait.

Pour la mission d’Esnandes, la période était rude, l’hiver glacial, la mission précédait la fête de Noël. La population était principalement composée de commerçants et de marins. La clôture avait lieu la veille de Noël avec la plantation d’une grande croix dans le village. Comme c’était de rigueur à l’époque, la veille de Noël était un jour de jeûne et d’abstinence. Esnandes attirait pour cette fête bien des gens d’ailleurs qui venaient pour festoyer et tout le monde se réunissait chez un aubergiste célèbre nommé Morcant. Au moment de la cérémonie qui avait commencé à l’Eglise, tout ce petit monde menait grande vie autour de tables bien garnies et au son des violons. L’église retentissait de tout ce bruit. Pour prévenir ce scandale je me rends à l’auberge et demande fermement au maître du logis et à ses hôtes d’éviter le tumulte et de respecter cette journée de pénitence. Mais déjà échauffés, tous se rebiffent et ripostent par des injures, l’aubergiste fait chorus avec sa clientèle.

Dans le brouhaha et sous les insultes je m’agenouille au milieu d’eux et je prie. Morcant s’enhardit dans l’outrage non seulement envers moi, mais surtout envers le Christ si bien que je lui lance cette phrase : «Va malheureux, tu périras misérablement, toi et ta famille ». Redoublant d’audace, l’aubergiste poussa tout son monde à redoubler le tapage jusqu’à la fin des cérémonies.

Quelques jours plus tard, la colère divine le frappait : saisi d’un étrange tremblement qui lui agitait tout le corps, il devint incapable de tout travail professionnel. La famille de celui qu’on appela désormais « le trembleur » finit dans la misère et l’abandon. (Extraits du livre « En haute mer »)


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