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« DÉCLARATION DE PAIX » ENTRE LA PAROISSE ET SON CURÉ …

Bertrand Lemaire

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Declaration De Paix

Au début 1716, c’est le village de Courçon qui vous accueille. A l’ombre du clocher se déroule une véritable guerre froide entre le curé et ses paroissiens.

Il est vrai que ce pasteur chagrin et irascible avait entraîné l’antipathie générale de son troupeau. Dans la vie quotidienne tout portait à la suspicion, aux critiques et aux querelles de tous genres. Tombant dans ce maquis épineux, la parole de Dieu ne pouvait qu’être stérile.

Il fallait d’abord débusquer le démon de la discorde pour retrouver un climat de charité, cela relevait véritablement du miracle... Ma méthode, dans de semblables cas, était de mettre la priorité sur mon comportement personnel : prier, jeûner, me mortifier.

Ayant convoqué toute la paroisse, je prêche avec tant de force sur le pardon des injures que le Curé n’y tenant plus, bondit de sa stalle au milieu du sermon et se met, la voix pleine de sanglots, à faire sa confession publique et à supplier ses ouailles de lui pardonner ses impatiences, ses duretés et ses rancunes.

Après une telle démarche, j’ai pu donner un dernier assaut pour faire voler en éclat l’opposition durcie de ses auditeurs : « Quoi, votre pasteur s’humilie devant vous et vous demande pardon, vous qui avez vomi contre lui toutes sortes de méchancetés et d’imprécations, vous hésiteriez à vous réconcilier ? » Aussitôt déferle une émotion soudaine sur l’assistance, jusque-là réticente et impassible. La contagion est générale et poignante : chacun pleure à chaudes larmes.

Pour que ce bon mouvement ne demeure pas platonique et puisse donner lieu à une attitude réfléchie et à un engagement public, je demande du haut de la chaire que tous se donnent mutuellement le baiser de paix et je leur suggère d’accepter mon propre arbitrage pour tous les griefs qui pourraient subsister.

Il me fallut beaucoup de temps et de patience pour écouter tout le monde, calmer les inquiets, trancher équitablement les différends, surtout en donnant l’ordre de les oublier pour toujours. Monsieur le curé fut le premier à mériter, par sa douceur et son zèle, la confiance de ses paroissiens.

Je dois reconnaître qu’à la fin de la mission la paix était redescendue sur cette terre de Courçon. (Extraits du livre « En haute mer »)


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