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UNE SANTÉ DÉLABRÉE

Écrit par Bertrand Lemaire Dimanche, 16 Octobre 2022 00:00

Bertrand Lemaire

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Une Sante Delabree

Chassé hors des limites territoriales du diocèse de Poitiers, c’est dans un petit ermitage de la paroisse de Mauzé en Deux-Sèvres que vous vous réfugiez le soir même. Le Curé vous demande de prêcher une mission qui se solde par de nombreuses et merveilleuses conversions. Mais votre santé vous donne des inquiétudes...

Les Huguenots m’avaient en effet empoisonné à La Rochelle et de nombreuses séquelles me causaient bien des difficultés pour exercer mon ministère. Mon entourage me voyait blêmir et mon visage se crisper, je leur répondais que tous les ans vers la fête de l’exaltation de la sainte Croix, mon divin Maître me donnait à porter quelque portion de sa propre croix.

Ma mission de Mauzé s’est achevée sur un grabat, un abcès interne mettait ma vie en danger. Je me suis retrouvé chez les frères de Saint Jean de Dieu à La Rochelle où j’ai dû subir une opération particulièrement douloureuse. Le grand chirurgien Seignette fut très étonné de m’entendre chanter pendant l’opération : « Vive Jésus, Vive sa Croix ! N’est-il pas bien juste qu’on l’aime? ». Il fit cette remarque : « De deux cents hommes qui auraient eu le même mal, il n’en serait pas échappé un seul » !

Devenu aphone pendant ma convalescence je prêche cependant une mission à Vaneau dans le diocèse de Saintes, excellente occasion de mimer des exercices de préparation à la mort avec une mise en scène et dialogues qui font une forte impression sur les fidèles. Après dix-huit jours « de travaux », l’évêque, mis au courant par des rapports peu complaisants, m’interdit toute fonction ecclésiastique dans son diocèse. J’en suis particulièrement affecté, mais heureusement une contre-enquête dénonce la supercherie et ce sont des bénédictions les plus inattendues qui jaillissent de la croix.

Je décide de rassembler ce qui me reste de forces pour aller à pieds jusqu’à Rouen rencontrer un ami d’enfance que j’ai connu au collège de Rennes. Devenu le chanoine Blain, je veux lui demander s’il connaît quelques jeunes dont la vocation leur permettrait de se regrouper autour de moi pour constituer cette fameuse compagnie de prêtres missionnaires.

Sur la route je séjourne un moment à la Séguinière près de Cholet pour restaurer une petite chapelle «Notre Dame de toute Patience ». Puis j’y prêche une retraite chez le bon curé Cantin et j’accepte un moment de repos dans ce village chez les demoiselles de Beauvau.

Ma route vers Rouen est encore interrompue par une mission à Roussay où sévissait une ivrognerie galopante en particulier dans un cabaret aux portes de l’église où les buveurs avaient coutume de se rassembler. Mes sermons étaient ponctués de clameurs et de chansons. Un jour je descends de chaire et d’un ton ferme je signifie à tous les consommateurs de déguerpir. Deux restent sur leur siège et d’une poigne vigoureuse je les pousse dehors, honteux et penauds au vu de la population qui sortait de l’église. On ne les entendra plus …

C’est dans ces moments-là qu’un brave cultivateur, peut-être un peu trop attentif à « mes dévotions », me vit converser avec Marie sous l’apparence d’une belle Dame blanche. Il vint m’en parler et je lui répondis : « Ne parlez de cela à personne et n’oubliez pas d’aller à la communion pour remercier Dieu d’avoir vu la sainte Vierge ». (Extraits du livre « En haute mer »)


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