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QUARANTE JOURS AUX PRISES AVEC LE DÉMON

Bertrand Lemaire

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Quarante Jours Aux Prises Avec Le Demon

Le nom si harmonieux de saint Amand-sur-Sèvre vous coûte très cher ! Vous êtes en présence d’une meute de démons qui vont vous mener la vie dure, pendant près de quarante jours de mission.

Je ne pensais pas trouver dans ce village des Deux-Sèvres une telle présence démoniaque parvenant à brouiller les familles entre elles. On s’y accusait mutuellement de se livrer à des maléfices, de jeter des sorts sur les récoltes, les bestiaux et les personnes elles-mêmes. Au cœur de ces manifestations, j’ai tout de suite flairé l’influence du Malin, cherchant à maquiller la foi vivante des chrétiens en semant l’ivraie.

Une femme aux comportements étranges m’a incité à pratiquer les exorcismes prévus par l’Eglise. Elle se mit à répondre à toutes mes questions en latin alors qu’elle n’en connaissait pas un mot. Ayant célébré pour elle le saint sacrifice de la messe, elle est repartie dans sa famille joyeuse et libérée.

Le diable a beau jeu quand il peut pêcher en eau trouble, sous le couvert de la religiosité populaire. Ce sont la foi, la prière et les sacrements eux-mêmes qui se contaminent d’un esprit magique et finissent par faire bon ménage avec les pires désordres. J’ai donc exposé tranquillement la doctrine chrétienne sur les démons et leurs œuvres de ténèbres pour leur montrer comment se dégager de leur emprise funeste.

En même temps, je leur faisais toucher du doigt la présence agissante du Dieu d’amour. La lecture de passages d’évangile lus sur des malades parvenait à les soulager ; les voisins, vivants dans une méfiance réciproque, sont invités à renoncer à toute vengeance occulte et à faire publiquement acte de réconciliation. Tous doivent contribuer à nourrir les pauvres de la paroisse.

Vous arrivait-il de mobiliser les hommes pour des tâches plus physiques ?

Des hommes et des jeunes gens sont intervenus avec leurs bêtes et leurs outils pour construire un mur d’enceinte autour du cimetière qui était envahi par tous les animaux. D’autres fois c’était pour édifier un calvaire ou refaire une chapelle dans laquelle la prière quotidienne du Rosaire était aussitôt instituée.

Petit à petit l’église devient trop petite pour y accueillir la foule, alors je plante ma chaire au pied d’un grand arbre. Comme auxiliaires je n’avais que deux jeunes prêtres, je devais donc assurer tous les sermons, les catéchismes et l’ensemble de l’organisation.

C’est ainsi que se termina cette grande et belle mission de saint Amand-sur-Sèvre. La paroisse repartit sur un bon pied, confortée et soutenue par toutes les associations destinées à maintenir les temps forts auxquels chacun avait pu participer.

Partant de là, je suis allé me refaire une santé à la Séguinière chez les demoiselles de Beauveau, toujours aussi accueillantes. (Extraits du livre « En haute mer »)


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