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A FONTENAY-LE-COMTE, DU RIFIFI AVEC L’ARMÉE…

Bertrand Lemaire

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A FONTENAY-LE-COMTE DU RIFIFI AVEC L’ARMÉE

A Fontenay-le-Comte, la réforme protestante était extrêmement agissante et les catholiques n’y vivaient pas en toute quiétude ! Malgré cela votre mission rencontre un tel succès que vous ne pouvez accepter que les femmes. Vous promettez de revenir pour les hommes, spécialement pour les militaires présents dans cette ville.

Cependant, en raison d’un changement prochain de garnison, des soldats furent exceptionnellement autorisés à participer à la mission des femmes. Cela entraine un grand tapage dans la ville ! Le commandant de la place fait conduire ses hommes à des sièges réservés dans l’église saint Jean et certains ont même reçu la mission de chanter avec la participation de la musique militaire.

Il se trouve qu’un soir le commandant de la garnison se trouvait au fond de l’église dans une tenue négligée, accoudé au bénitier, son chapeau sur la tête et s’administrant de bonnes prises de tabac, éternuant bruyamment, et riant avec désinvolture.

Sans l’avoir reconnu, je vais vers lui et lui rappelle que la mission est réservée aux femmes. Piqué au vif il me dit : « Pour qui me prenez-vous ? Cette église est à tout le monde et j’ai autant le droit de rester ici que vous »! Il met la main à la garde de son épée comme pour défendre sa place : « Je ne sortirai pas d’ici. »

Surpris par cette réaction violente je lui dis : « Soit ! Restez pour aujourd’hui, mais n’y revenez pas demain. Je ferai une mission spécialement pour les hommes ultérieurement ». Il explose alors rouge de colère : « Je reviendrai demain malgré vous ! Les églises ne sont pas faites pour les chiens mais pour les chrétiens ! De quel droit pourriez-vous m’en empêcher » ? Je lui demande au moins de se comporter correctement dans cette église. Il me lance une bordée d’injures et dégaine à moitié son épée me menaçant de m’en transpercer. Sans mot dire, je me mets à genoux et baise la terre en expiation pour cette colère impie.

Au cours de ces altercations, l’assistance avait reconnu la voix du commandant, sa fureur allait croissante. Des femmes accoururent alors, cherchant à m’entourer et à refouler l’officier. Il n’en fallut pas davantage pour le rendre encore plus agressif. Il se jette brutalement sur moi et me prenant à la gorge il me donne deux coups de poings si violents que je me sens défaillir et je m’écrie : « Femmes à moi » ! «Soldats à moi » réplique aussitôt le commandant ! Dans l’église ce fut une affreuse mêlée avec des cris épouvantables. Mon confrère, monsieur des Bastières, craignant le pire se précipite dans la sacristie rejoint par deux soldats conscients de la fureur de leur chef. Tous les trois trainent des meubles devant la porte et se barricadent. Au bout d’un quart d’heure, il se fit un profond silence ! Monsieur des Bastières sort alors de la sacristie, voit les femmes à leur place et moi en chaire, pâle comme un mort mais calme et souriant. J’ai pu prêcher pendant une heure comme si de rien n’était.

Mais l’officier et les soldats repliés dans le cimetière m’attendaient à la sortie, sabre nu à la main. Les femmes alors me supplient de ne point quitter l’église. Je décide de me rendre quand même à la maison de la Providence, assailli d’injures et escorté d’une troupe féminine. Le commandant fait alors cerner la maison avec ordre pour les soldats de me garder prisonnier, il se rend aussitôt chez l’évêque pour me faire condamner.

Le lendemain matin, le prisonnier que j’étais, se présente à la sacristie pour dire sa messe à l’heure habituelle. L’évêque ne porta pas de condamnation mais je n’en pleurais pas moins le départ de mes soldats qui non seulement ne reparurent pas à la mission mais furent consignés pas leur chef vindicatif dans une maison proche de l’Eglise pour y jouer et chanter afin de troubler les cérémonies.

A la fin fut érigé un grand calvaire et cette mission mémorable permit cependant bien des conversions et les grâces abondantes. (Extraits du livre « En haute mer »)


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