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Le culte de la vérité

Bertrand Lemaire

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A lire du §146 au §148 inclus: Evangelii Gaudium "La Joie de l'Evangile"- Exhortation apostolique du Pape François

Pape Francois Et Evangeliaire

Pour préparer une homélie, arrêter sa montre semble être le conseil numéro un donné à tout prédicateur par le Pape François. Couper la télévision, l’internet, le téléphone, les visites, laisser au placard "la folle du logis", se mettre la tête dans les mains et dire avec force : "Parle Seigneur, ton serviteur écoute".

Le premier pas, après avoir invoqué l’Esprit Saint, consiste à prêter toute l’attention au texte biblique, qui doit être le fondement de la prédication. Quand on s’attarde à chercher à comprendre quel est le message d’un texte, on exerce le "culte de la vérité". C’est l’humilité du cœur qui reconnaît que la Parole nous transcende toujours, que nous n’en sommes "ni les maîtres, ni les propriétaires, mais les dépositaires, les hérauts, les serviteurs". Cette attitude de vénération humble et émerveillée de la Parole s’exprime en prenant du temps pour l’étudier avec la plus grande attention et avec une sainte crainte de la manipuler. Pour pouvoir interpréter un texte biblique, il faut de la patience, abandonner toute inquiétude et y consacrer temps, intérêt et dévouement gratuit. Il faut laisser de côté toute préoccupation qui nous assaille pour entrer dans un autre domaine d’attention sereine. Ce n’est pas la peine de se consacrer à lire un texte biblique si on veut obtenir des résultats rapides, faciles ou immédiats. C’est pourquoi, la préparation de la prédication demande de l’amour. On consacre un temps gratuit et sans hâte uniquement aux choses et aux personnes qu’on aime ; et ici il s’agit d’aimer Dieu qui a voulu nous parler.
À partir de cet amour, on peut consacrer tout le temps nécessaire, avec l’attitude du disciple : "Parle Seigneur, ton serviteur écoute" (1S 3, 9).

A partir du texte sacré, l’analyse littéraire, si utile soit-elle, doit céder le pas à la recherche exclusive du message profond que l’auteur sacré veut nous transmettre. Le prédicateur est le haut-parleur de ce message :

Avant tout il convient d’être sûr de comprendre convenablement la signification des paroles que nous lisons. Je veux insister sur quelque chose qui semble évident mais qui n’est pas toujours pris en compte : le texte biblique que nous étudions a deux ou trois mille ans, son langage est très différent de celui que nous utilisons aujourd’hui.
Bien qu’il nous semble comprendre les paroles qui sont traduites dans notre langue, cela ne signifie pas que nous comprenions correctement ce qu’a voulu exprimer l’écrivain sacré.
Les différents moyens qu’offre l’analyse littéraire sont connus : prêter attention aux mots qui sont répétés ou mis en relief, reconnaître la structure et le dynamisme propre d’un texte, considérer la place qu’occupent les personnages, etc. Mais le but n’est pas de comprendre tous les petits détails d’un texte, le plus important est de découvrir quel est le message principal, celui qui structure le texte et lui donne unité. Si le prédicateur ne fait pas cet effort, il est possible que même sa prédication n’ait ni unité ni ordre ; son discours sera seulement une somme d’idées variées sans lien les unes avec les autres qui ne réussiront pas à mobiliser les auditeurs. Le message central est celui que l’auteur a voulu transmettre en premier lieu, ce qui implique non seulement de reconnaître une idée, mais aussi l’effet que cet auteur a voulu produire. Si un texte a été écrit pour consoler, il ne devrait pas être utilisé pour corriger des erreurs ; s’il a été écrit pour exhorter, il ne devrait pas être utilisé pour instruire ; s’il a été écrit pour enseigner quelque chose sur Dieu, il ne devrait pas être utilisé pour expliquer différentes idées théologiques ; s’il a été écrit pour motiver la louange ou la tâche missionnaire, ne l’utilisons pas pour informer des dernières nouvelles.

La finale du sous-titre "le culte de la Vérité" aborde une difficulté réelle pour le prédicateur : le sens premier et central du texte de son homélie doit aussi se conjuguer avec l’enseignement de toute la Bible, de façon à éviter des interprétations fausses ou partielles.

Certainement, pour comprendre de façon adéquate le sens du message central d’un texte, il est nécessaire de le mettre en connexion avec l’enseignement de toute la Bible, transmise par l’Église. C’est là un principe important de l’interprétation de la Bible, qui tient compte du fait que l’Esprit Saint n’a pas inspiré seulement une partie, mais la Bible tout entière, et que pour certaines questions, le peuple a grandi dans sa compréhension de la volonté de Dieu à partir de l’expérience vécue. De cette façon, on évite les interprétations fausses ou partielles, qui contredisent d’autres enseignements de la même Écriture. Mais cela ne signifie pas affaiblir l’accent propre et spécifique du texte sur lequel on doit prêcher. Un des défauts d’une prédication lassante et inefficace est justement celui de ne pas être en mesure de transmettre la force propre du texte proclamé.

La rigueur très "ignacienne" dont fait preuve le pape François pour la préparation d’une homélie, fait ressortir la hiérarchie des valeurs qui doit habiter tout prédicateur soucieux d’atteindre le cœur de ses auditeurs : le débordement d’une vie intérieure avant la performance intellectuelle.

Et Lo Tedhal dans tout cela ?

Comme ton évangéliste Luc, je ne suis pas un témoin oculaire de ta vie. Comme lui, je compte sur ce que j’ai entendu ou lu. Je fais confiance aux "serviteurs de la Parole" qui me rapportent les détails de ce que tu as fait et de ce que tu as dit. Mais en plus de tes évangélistes, des Pères de l’Église, des exégètes, de l’enseignement des papes, j’ai à mon bénéfice l’expérience que je fais, moi-même, dans ma vie de ta Parole. Parole d’amour et de vérité qui peut tout illuminer, tout transfigurer si je la laisse prendre en moi toute sa plénitude. (Extraits de l’Evangiles en prières)


 

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