ImprimerEnvoyer

Se laisser toucher par la Parole

Bertrand Lemaire

Changer taille:

A lire du §149 au §151 inclus: Evangelii Gaudium "La Joie de l'Evangile"- Exhortation apostolique du Pape François

Pape Francois Et La Parole

Le Pape François "enfonce le clou" si l’on peut dire : citant saint Mathieu, il rappelle au prédicateur que la grandeur de sa mission prend sa source au plus intime de lui-même : "C’est du trop plein du cœur que la bouche parle".

Le prédicateur "doit tout d’abord acquérir une grande familiarité personnelle avec la Parole de Dieu. Il ne lui suffit pas d’en connaître l’aspect linguistique ou exégétique, ce qui est cependant nécessaire. Il lui faut accueillir la Parole avec un cœur docile et priant, pour qu’elle pénètre à fond dans ses pensées et ses sentiments et engendre en lui un esprit nouveau". Cela nous fait du bien de renouveler chaque jour, chaque dimanche, notre ferveur en préparant l’homélie, et en vérifiant si grandit en nous l’amour de la Parole que nous prêchons. Il ne faut pas oublier qu’"en particulier, la sainteté plus ou moins réelle du ministre a une véritable influence sur sa façon d’annoncer la Parole". Comme l’affirme saint Paul, "nous prêchons, cherchant à plaire non pas aux hommes mais à Dieu qui éprouve nos cœurs" (1 Th 2, 4). Si nous avons les premiers ce vif désir d’écouter la Parole que nous devons prêcher, elle se transmettra d’une façon ou d’une autre au Peuple de Dieu : "C’est du trop-plein du cœur que la bouche parle" (Mt 12, 34). Les lectures du dimanche résonneront dans toute leur splendeur dans le cœur du peuple, si elles ont ainsi résonné en premier lieu dans le cœur du pasteur.

François ne fait que confirmer ce qui se chuchote souvent aux sorties des messes du dimanche ! As-tu entendu l’homélie ? Au moins ce prêtre croit à ce qu’il dit ...
Le "bon sens populaire" perçoit, souvent mieux que quiconque, les signes de la présence de Dieu.

Jésus s’irritait devant ces supposés maîtres, très exigeants pour les autres, qui enseignaient la Parole de Dieu, mais ne se laissaient pas éclairer par elle : "Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt" (Mt 23, 4).
L’Apôtre Jacques exhortait : "Ne soyez pas nombreux, mes frères, à devenir docteurs. Vous le savez, nous n’en recevrons qu’un jugement plus sévère" (Jc 3, 1). Quiconque veut prêcher, doit d’abord être disposé à se laisser toucher par la Parole et à la faire devenir chair dans son existence concrète. De cette façon, la prédication consistera dans cette activité si intense et féconde qui est de "transmettre aux autres ce qu’on a contemplé". Pour tout cela, avant de préparer concrètement ce que l’on dira dans la prédication, on doit accepter d’être blessé d’abord par cette Parole qui blessera les autres, parce que c’est une Parole vivante et efficace, qui, comme un glaive " pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, et peut juger les sentiments et les pensées du cœur" (He 4, 12). Cela revêt une importance pastorale. À notre époque aussi, les gens préfèrent écouter les témoins : "ils ont soif d’authenticité […] Le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible".

En bon disciple de saint Ignace, François revient toujours au "discernement". Il semble rappeler au prédicateur que, s’il ne cherche pas à se laisser pénétrer lui-même par les exigences de la Parole qu’il va prêcher à ses frères, il fait le choix d’être comparable à "un faux prophète, un escroc ou un charlatan sans consistance"...

Il ne nous est pas demandé d’être immaculés, mais plutôt que nous soyons toujours en croissance, que nous vivions le désir profond de progresser sur la voie de l’Évangile, et que nous ne baissions pas les bras. Il est indispensable que le prédicateur ait la certitude que Dieu l’aime, que Jésus Christ l’a sauvé, que son amour a toujours le dernier mot. Devant tant de beauté, il sentira de nombreuses fois que sa vie ne lui rend pas pleinement gloire et il désirera sincèrement mieux répondre à un amour si grand. Mais s’il ne s’arrête pas pour écouter la Parole avec une ouverture sincère, s’il ne fait pas en sorte qu’elle touche sa vie, qu’elle le remette en question, qu’elle l’exhorte, qu’elle le secoue, s’il ne consacre pas du temps pour prier avec la Parole, alors, il sera un faux prophète, un escroc ou un charlatan sans consistance. En tous cas, à partir de la reconnaissance de sa pauvreté et avec le désir de s’engager davantage, il pourra toujours donner Jésus Christ, disant comme Pierre : "De l’argent ou de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne" (Ac 3, 6). Le Seigneur veut nous utiliser comme des êtres vivants, libres et créatifs, qui se laissent pénétrer par sa Parole avant de la transmettre ; son message doit passer vraiment à travers le prédicateur, non seulement à travers la raison, mais en prenant possession de tout son être. L’Esprit Saint, qui a inspiré la Parole, est celui qui "aujourd’hui comme aux débuts de l’Église, agit en chaque évangélisateur qui se laisse posséder et conduire par lui, et met dans sa bouche les mots que seul il ne pourrait trouver".

C’est ainsi que se termine ce très long passage de François sur l’homélie. Ses remarques s’adressent aussi bien au prédicateur qu’à ceux qui l’écoutent. L’évangile, Parole de Dieu, est aussi "présence réelle" de Jésus, elle doit être entendue avec un cœur ouvert d’adorateur.

Et Lo Tedhal dans tout cela ?

Un Pharisien sommeille en nous. À certains moments, il se réveille. Nous voilà désireux de paraître aux yeux de tous plus vertueux ou plus généreux que nous ne le sommes au fond de notre cœur. Friands de beaux discours, nous étalons notre science religieuse, morale, civique… Volontiers donneurs de leçons, nous exigeons des autres ce que nous ne nous imposons pas à nous-mêmes. À nos manquements nous trouvons beaucoup d’excuses. Mais nous n’en accordons aucune à nos frères. Ne sommes-nous pas alors, à notre tour, en train de "lier de pesants fardeaux" pour les faire porter aux autres ? Ces mêmes fardeaux que nous ne voudrions pas "remuer du doigt" ?… (Extraits de l’Evangile en prières)


Powered by Web Agency