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La place privilégiée des pauvres dans le peuple de Dieu

Bertrand Lemaire

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A lire du §197 au §199 inclus: Evangelii Gaudium "La Joie de l'Evangile"- Exhortation apostolique du Pape François

Pape Franois Et Eglise Pauvre

Fidèle à son habitude, le Pape François sélectionne dans les pages de l’Évangile, les passages sur lesquels il pourra s’appuyer pour fonder son argumentaire.

Les pauvres ont une place de choix dans le cœur de Dieu, au point que lui même "s’est fait pauvre" (2 Co 8, 9). Tout le chemin de notre rédemption est marqué par les pauvres. Ce salut est venu jusqu’à nous à travers le "oui" d’une humble jeune fille d’un petit village perdu dans la périphérie d’un grand empire. Le Sauveur est né dans une mangeoire, parmi les animaux, comme cela arrivait pour les enfants des plus pauvres ; il a été présenté au temple avec deux colombes, l’offrande de ceux qui ne pouvaient pas se permettre de payer un agneau (cf. Lc 2, 24 ; Lv 5, 7) ; il a grandi dans une maison de simples travailleurs et a travaillé de ses mains pour gagner son pain. Quand il commença à annoncer le Royaume, des foules de déshérités le suivaient, et ainsi il manifesta ce que lui-même avait dit : "L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres" (Lc 4, 18). A ceux qui étaient accablés par la souffrance, opprimés par la pauvreté, il assura que Dieu les portait dans son cœur : "Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous" (Lc 6, 20) ; il s’est identifié à eux : " J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger", enseignant que la miséricorde envers eux est la clef du ciel (cf. Mt 25, 35s).

Notre Pape latino-américain est depuis longtemps porteur de cette "option préférentielle pour les pauvres". Dès les années 1980, avec l’appui de Jean-Paul II puis de Benoit XVI, l’Église qui est en Amérique du Sud, s’est engagée dans cette direction, laquelle n’a pas véritablement franchi l’Atlantique en direction de nos pays occidentaux. Le Pape François, familier des bidonvilles de Buenos-Aires, veut apporter cette "contagion" à destination de l’Eglise universelle, parce que là se trouve le cœur de l’Evangile.

Pour l’Église, l’option pour les pauvres est une catégorie théologique avant d’être culturelle, sociologique, politique ou philosophique. Dieu leur accorde "sa première miséricorde". Cette préférence divine a des conséquences dans la vie de foi de tous les chrétiens, appelés à avoir "les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus" (Ph 2, 5). Inspirée par elle, l’Église a fait une option pour les pauvres, entendue comme une "forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l’Église". Cette option – enseignait Benoît XVI – "est implicite dans la foi christologique en ce Dieu qui s’est fait pauvre pour nous, pour nous enrichir de sa pauvreté". Pour cette raison, je désire une Église pauvre pour les pauvres. Ils ont beaucoup à nous enseigner. En plus de participer au sensus fidei, par leurs propres souffrances ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que tous nous nous laissions évangéliser par eux. La nouvelle évangélisation est une invitation à reconnaître la force salvifique de leurs existences, et à les mettre au centre du cheminement de l’Église. Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux.

Conscient des dérives possibles dues à la "théologie de la libération", François nous conduit à une véritable conversion des cœurs. Le mot "attention à l’autre" doit précéder toute forme d’activisme.

Notre engagement ne consiste pas exclusivement en des actions ou des programmes de promotion et d’assistance; ce que l’Esprit suscite n’est pas un débordement d’activisme, mais avant tout une attention à l’autre qu’il "considère comme un avec lui". Cette attention aimante est le début d’une véritable préoccupation pour sa personne, à partir de laquelle je désire chercher effectivement son bien. Cela implique de valoriser le pauvre dans sa bonté propre, avec sa manière d’être, avec sa culture, avec sa façon de vivre la foi. Le véritable amour est toujours contemplatif, il nous permet de servir l’autre non par nécessité ni par vanité, mais parce qu’il est beau, au-delà de ses apparences : "C’est parce qu’on aime quelqu’un qu’on lui fait des cadeaux". Le pauvre, quand il est aimé, "est estimé d’un grand prix", et ceci différencie l’authentique option pour les pauvres d’une quelconque idéologie, d’une quelconque intention d’utiliser les pauvres au service d’intérêts personnels ou politiques. C’est seulement à partir de cette proximité réelle et cordiale que nous pouvons les accompagner comme il convient sur leur chemin de libération. C’est seulement cela qui rendra possible que "dans toutes les communautés chrétiennes, les pauvres se sentent “chez eux”. Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et la plus efficace de la Bonne Nouvelle du Royaume ?" Sans l’option préférentielle pour les plus pauvres "l’annonce de l’Évangile, qui demeure la première des charités, risque d’être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles auquel la société actuelle de la communication nous expose quotidiennement".

Et Lo Tedhal dans tout cela ?

- "Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait".
- Mais Seigneur ! Je donne chaque année pour la campagne de Carême, pour le denier du culte… J’aide plusieurs associations caritatives…
- Très bien, me dis-tu, mais qu’y a-t-il dans ton cœur pour ton prochain ? Est-ce que tu ne te laisses pas envahir par la critique, par le mépris même pour ceux qui ne sont pas de ton milieu ? Ne rejettes-tu pas ceux que la société rejette parce qu’ils n’ont pas su s’y faire une place ?
- Je comprends, Seigneur ! La charité fraternelle résume tout. Elle est la marque spéciale de la vie surnaturelle. En la personne de nos frères, c’est toujours toi que nous touchons. Tu es en chaque homme, même le plus défiguré par la souffrance.(Extraits de l'Evangiles en prières)


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