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Le temps est supérieur à l’espace

Bertrand Lemaire

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A lire du §222 au §225 inclus: Evangelii Gaudium "La Joie de l'Evangile"- Exhortation apostolique du Pape François

Pape Francois Au Parlement Europeen

Le Pape souligne l’inévitable paradoxe auquel toute existence est confrontée : la conjoncture du moment présent et le désir des grands horizons.

Il y a une tension bipolaire entre la plénitude et la limite. La plénitude provoque la volonté de tout posséder, et la limite est le mur qui se met devant nous. Le “temps”, considéré au sens large, fait référence à la plénitude comme expression de l’horizon qui s’ouvre devant nous, et le moment est une expression de la limite qui se vit dans un espace délimité. Les citoyens vivent en tension entre la conjoncture du moment et la lumière du temps, d’un horizon plus grand, de l’utopie qui nous ouvre sur l’avenir comme cause finale qui attire. De là surgit un premier principe pour avancer dans la construction d’un peuple : le temps est supérieur à l’espace.

François met en relief l’impatience de l’homme politique qui a tendance à se mettre en valeur en recherchant des résultats immédiats. Son rôle serait davantage d’initier des processus à long terme qui seraient repris par d’autres, à sa suite.

Ce principe permet de travailler à long terme, sans être obsédé par les résultats immédiats.
Il aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses, ou les changements des plans qu’impose le dynamisme de la réalité.
Il est une invitation à assumer la tension entre plénitude et limite, en accordant la priorité au temps. Un des péchés qui parfois se rencontre dans l’activité socio-politique consiste à privilégier les espaces de pouvoir plutôt que les temps des processus. Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-affirmation.
C’est cristalliser les processus et prétendre les détenir. Donner la priorité au temps c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces. Le temps ordonne les espaces, les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne en constante croissance, sans chemin de retour. Il s’agit de privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils fructifient en évènement historiques importants. Sans inquiétude, mais avec des convictions claires et de la ténacité.

Jetant un regard sur le monde actuel, le Pape voit surtout des responsables qui sont à la recherche de résultats immédiats, produisant des rentes politiques faciles, rapides, et éphémères...

Parfois, je me demande qui sont ceux qui dans le monde actuel se préoccupent vraiment de générer des processus qui construisent un peuple, plus que d’obtenir des résultats immédiats qui produisent une rente politique facile, rapide et éphémère, mais qui ne construisent pas la plénitude humaine. L’histoire les jugera peut-être selon le critère qu’énonçait Romano Guardini : "L’unique modèle pour évaluer correctement une époque est de demander jusqu’à quel point se développe en elle et atteint une authentique raison d’être la plénitude de l’existence humaine, en accord avec le caractère particulier et les possibilités de la même époque".

Prenant l’exemple de la parabole du "bon grain et de l’ivraie", le Pape montre que le "temps" de l’Esprit Saint accepte que, dans "l’espace", puisse se développer l’ivraie.

Ce critère est aussi très adapté à l’évangélisation, qui demande d’avoir présent l’horizon, d’adopter les processus possibles et les larges chemins. Le Seigneur lui-même en sa vie terrestre a fait comprendre de nombreuses fois à ses disciples qu’il y avait des choses qu’ils ne pouvaient pas comprendre maintenant, et qu’il était nécessaire d’attendre l’Esprit Saint (cf. Jn 16, 12-13).
La parabole du grain et de l’ivraie (cf. Mt 13, 24-30) décrit un aspect important de l’évangélisation qui consiste à montrer comment l’ennemi peut occuper l’espace du Royaume et endommager avec l’ivraie, mais il est vaincu par la bonté du grain qui se manifeste en son temps.

Le prochain paragraphe se penchera sur le deuxième principe pour l’établissement d’une paix durable: "l’unité prévaut sur le conflit".

Et Lo Tedhal dans tout cela ?

Seigneur, tu as semé du blé dans ton champ. Ton ennemi, le père du mensonge, celui qui a fait entrer la jalousie dans le monde, celui qui fuit la lumière, profite de la nuit pour y semer de l’ivraie. Il est intelligent. Il sème une graine qui ressemble aux tiennes.
L’ivraie en grandissant a presque la même tige que le blé et il est très difficile de les différencier. Je comprends tes ouvriers qui veulent l’arracher tout de suite pour sauver la récolte, pour protéger les bonnes semences d’une contamination du mal. Il est si difficile d’accepter que ceux qui devraient montrer l’exemple ne le montrent pas, que les chrétiens se comportent parfois moins bien que les mécréants, que des prêtres ou des religieux soient à l’origine de scandales !… Et pourtant, à vouloir éradiquer le mal, nous risquons de nous prendre pour des juges, de commettre des erreurs. Toi seul connais les cœurs. Je t’entends dire : "Avec moi, le blé transforme l’ivraie en bon grain". Tu abats tous les arguments de notre logique. Ta confiance en l’homme est “irrationnelle”.
N’as-tu pas transformé une Marie-Madeleine en mystique ? Un Pierre, te reniant trois fois, en martyr de la foi ? Et l’histoire de l’Église n’est-elle pas remplie d’autres exemples ? Car une véritable rencontre avec toi bouleverse.
L’Amour pulvérise la haine. La miséricorde tue l’esprit de vengeance. (Extraits de l’Evangile en prière)


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