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Subtile Présence

Padre Damiano Puccini

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Subtile Presence

Le premier livre des Rois nous présente le prophète Élie, personnage révolutionnaire et étrange, qui a vécu dans le Royaume du Nord d’Israël, autour du IXe siècle avant JC. Gardien rigide des anciennes traditions de Moïse, il s'est opposé de toutes ses forces aux nombreuses déviances de la religion juive à son époque.

Solitaire, il a mené une bataille personnelle contre la cour de Samarie - le roi Achab et la reine Jézabel, en particulier - et contre la multitude innombrable des prophètes et prêtres de Baal, divinité cananéenne qui attirait de nombreux adeptes. Après être sorti victorieux du défi lancé sur le Mont Carmel, Élie a fait tuer les 450 prophètes de Baal, provoquant ainsi la colère de la reine. Sa tête mise à prix, le prophète a dû fuir. Arrivé à l'extrême sud de la terre d'Israël, il choisit de rester seul, angoissé, déçu par les menaces des puissants et aigri par la trahison du peuple. Réfugié au désert, le prophète reçoit l'aide divine sous la forme d’un pain prodigieux qui lui donne la force d’accomplir un pèlerinage aux sources de l'Alliance, jusqu'au mont Horeb, là où quelques siècles plus tôt Yahvé avait fait alliance avec son Peuple, par l'intermédiaire de Moïse.

Arrivé à la montagne de Dieu, Elie s’abrite dans une grotte pour y passer la nuit. L'histoire est extrêmement courte et ne fournit aucun détail: cette brièveté suggère précisément une richesse symbolique et théologique. La grotte est une figure ancestrale qui rappelle l'utérus, qui évoque le souvenir mais aussi l'isolement et la fermeture. Le prophète est obnubilé par ses problèmes, presque recroquevillé sur lui-même dans les entrailles sombre de la terre. Dans ce contexte sombre d'angoisse, la voix du Seigneur se fait entendre. Au passage, remarquons le parallèle évident avec la situation des disciples en pleine nuit, sur le lac, dans l’Evangile de ce dimanche.

Le Seigneur interroge le prophète sur ses motivations: "Elie, que fais-tu ici ?". Sa réponse va lui permettre de clarifier son état d'esprit: il dit d'abord qu'il est "plein de zèle", c'est-à-dire rempli de jalousie et d'indignation. Il se dit passionnément attaché au Seigneur et il est furieux parce que les Israélites ont abandonné et trahi l'Alliance avec Yahvé, en démolissant ses autels et en tuant ses prophètes. Elie est convaincu d’être resté seul et il se plaint d'être poursuivi à mort. Il se justifie et se défoule, en ruminant ses idées fixes.

Le Seigneur lui répond par deux impératifs essentiels. Tout d'abord: sortir ! C'est bien plus qu'une simple consigne de bouger: c’est un ordre fondamental, adressé à un homme renfermé sur lui et dans son problème. Le Dieu de l'Exode invite toujours ses fidèles à sortir hors d’eux-mêmes et à avancer au-delà de leurs péchés.

Le deuxième impératif c’est : "Arrête-toi", avec la précision importante : "en présence du Seigneur". Le prophète est invité à se tenir résolument devant le Seigneur et à l'écouter, avec l'attitude docile de ceux qui acceptent d’avoir besoin d’apprendre.

Remarquons aussi que le narrateur mentionne trois phénomènes typiques accompagnant les récits de théophanie: l'ouragan, le tremblement de terre et la foudre. Mais avec une triple répétition : "Mais le Seigneur n'était pas dans le vent (…) n’était pas dans le tremblement de terre (…) n’était pas dans le feu". C’est avec l’évidente l'intention d'enseigner que le Seigneur se manifeste pas selon l'imaginaire commun, ni comme Elie s'y attendait.

La révélation divine est décrite ici avec une expression poétique : "le murmure d'une brise légère". Mais l'original hébreu peut être littéralement traduit par : "une voix de silence subtil". La Parole de Dieu est perçue dans le silence léger d'une présence aimante: Élie reconnaît cette présence et, par respect, couvre son visage, avant de sortir et de se tenir devant le Seigneur. Par l’accueil de la Parole, il se laisse changer.


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