Foule hétéroclite

Clarifions quelques-unes de nos idées sur les saints. Dans la Bible, nous lisons : "Soyez saints comme je suis saint". Puisque nous sommes ses enfants, il est normal de ressembler au Père. Malheureusement, cet objectif semble trop souvent inaccessible et nous nous contentons de mener une vie alternant entre découragement et efforts volontaristes.

En effet, en Occident, l'idée prédomine que le saint devrait être un héros. De plus, pour canoniser quelqu'un, l'Église exige la preuve de l’héroïcité de ses vertus. Pourtant, dans l'Apocalypse, c'est très clair: ceux qui vivent et meurent à cause de la Parole de Dieu et du témoignage et qui ne "font rien de mal" sont du côté de Dieu.

L’Evangile affirme, par ailleurs, que ceux qui précèdent les "justes" dans le Royaume sont des pécheurs qui, conscients de leur faiblesse, font confiance à la miséricorde du Père plutôt qu'à leurs mérites (en apparence absents). Ceux qui écoutent leur cœur devant les besoins de toute personne en situation de précarité, sans s’arrêter à l'apparence, ceux qui ont la capacité de valoriser et d'estimer les autres, de créer le bonheur autour d'eux, seront comptés parmi les "bienheureux du Père".

Dieu est relation, mais il a besoin de nous pour entrer en contact avec les hommes. Nous sommes appelés à prendre la place du Père vis-à-vis du frère. Bien sûr, la sainteté est union avec Dieu, mais pas toujours de façon consciente: elle se traduit par l’obéissance à son cœur, illuminé par l’Esprit, face aux besoins de l'autre, même différent, pécheur, pénible… C’est ressembler au "Père qui fait lever le soleil sur les bons comme sur les méchants".

L'Apocalypse suggère que le saint n'est pas une "denrée rare". Le nombre 144.000 correspond aux élus issus des 12 tribus des enfants d'Israël, mais il peut aussi être considéré comme le produit suivant : 12 tribus d'Israël x 12 apôtres x 1000 (chiffre symbolisant la grandeur divine). Ensuite, vient le groupe international : "une immense multitude que personne ne pouvait dénombrer". Tous se tiennent debout, car ils sont aussi vivants que l'Agneau, avec qui ils sont liés, ils portent des robes blanches (une couleur qui les unit au monde divin, en particulier à la résurrection du Christ) et ils tiennent des palmes à la main (signe de la victoire sur le mal, qu'ils partagent avec Christ). L'idée centrale est que les membres de ce nouveau peuple rendront une éternelle adoration à Dieu et à l'Agneau, car la divinité est venue vivre parmi eux.

Le dernier livre de la Bible ne concerne pas le dernier jour, ni ce qui va se passer à la fin des temps, mais ce qui se passe dans l'Histoire : la révélation progressive de Jésus dans l'Histoire, avec l'expérience de l'insuffisance de l'homme, toujours en manque de quelque chose, pas nécessairement d’ordre matériel.

La grande tribulation représente la vie, mais elle n'est pas le jouet d’un destin aveugle. Ceux qui se tiennent du côté de Dieu et de l'Agneau ne sont pas épargnés quant à la destruction, la souffrance ni même la mort physique, mais ils sont préservés de l'annihilation totale. Leur vie ne tombe pas dans l'oubli, car elle est acceptée et transformée!