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ULTIME MISSION À SAINT LAURENT-SUR-SÈVRE

Bertrand Lemaire

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ULTIME MISSION À SAINT LAURENT-SUR-SÈVRE

Vous arrivez à bout de souffle dans ce village, le moment approche où vous allez devoir poser définitivement votre sac ! Il est vrai que vous n’avez pour bagage que votre croix, la statuette de Marie et votre évangile.

Fatigué je le suis, mais au moment du départ de la procession des Rameaux, je me trouve en prière devant l’autel de la sainte Vierge. Me relevant soudain je saisis la croix des mains de celui qui la porte et je marche radieux et chantant à la tête des fidèles. Tous mes sermons par la suite exalteront Jésus Crucifié et sa miséricorde. Cette population simple et laborieuse prend rapidement de bonnes résolutions tout au long de la semaine sainte. Ensemble nous décidons du lieu où sera plantée la croix au terme de la mission, sur un mamelon assez proche. Un arbre de belle taille est choisi dans la futaie qui borde la sèvre.

C’est dans cette ferveur qu’éclate la joie de Pâques. Un homme venant se confesser me surprend dans la sacristie en conversation avec une belle dame blanche. Je lui ai présenté mes excuses pour ce retard, je m’entretenais avec ma bonne Mère.

Une joyeuse nouvelle me parvient : la venue annoncée de Monseigneur de Chanflour pour le 22 avril, je rêve d’un accueil triomphal pour notre évêque. Toute la paroisse ira à sa rencontre avec décorations, cantiques, procession, cérémonies. Le jour venu tout se déroule dans le plus bel ordre. Monseigneur et ses prêtres sont ravis, quant à moi, aussitôt l’office, je rejoins ce qui me sert de lit, totalement épuisé. Je parviens à revenir à la fin des vêpres pour prêcher d’une voix affaiblie sur la douceur de Jésus qui n’éteint pas la mèche qui fume encore, du bon pasteur qui court après la brebis perdue, du Sauveur qui pardonne. Je lance mon dernier message d’amour et je rejoins mon grabat, conscient que mon heure est venue.

Je me confesse et je reçois les sacrements ultimes, je dicte au Père Mulot mon testament et je lui confie l’avenir de ceux qui m’ont suivi.

Le bon peuple poursuit la mission mais il est conscient que je ne pourrai le rejoindre aussitôt ! Par petits groupes ils viennent me faire leurs adieux dans ma chambre. Me soulevant dans un ultime effort je les bénis avec ma petite croix indulgenciée par Clément XI et en voyant certains pleurer je leur chante : «Allons, mes chers amis, Allons en Paradis, quoiqu’on gagne en ces lieux, le Paradis vaut mieux ».

Ma dernière parole sera la suivante : « C’en est fait, je ne pécherai plus ! Je suis au bout de ma carrière».
C’était le 28 avril 1716 à la soirée tombante. (Extraits du livre « En haute mer »)


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