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La prière du cœur

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La Priere Du Coeur

“Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu” (Mt 5,8). Nos Pères syriaques aimaient traduire : “Heureux les purs, car ils verront Dieu dans leur cœur”. Et Jean de Dalyatha, mystique syriaque du VIIIème siècle, d’ajouter : “Dans le lieu qui a été purifié est vue en effet la gloire du Pur ; et c’est là le Royaume dont il a dit : Il est caché au-dedans de vous”.

Le cœur selon la Bible

Pour les sémites, selon la Bible, les parties du corps sont pensées, non pas d’abord du point de vue de leurs différences ou de leur interrelation avec les autres parties du corps, mais comme signifiant et soulignant différents aspects de l’homme, tout l’homme, dans son attitude d’écoute à Dieu et à sa Parole, ou de fermeture : “Mon fils, sois attentif à ma sagesse, prête l’oreille à mon intelligence” (Pr 5,1). Les pieds, ou les pas, désignent sa démarche : “Qu’ils sont beaux les pieds des messagers de bonnes nouvelles !” (Is 52,7 et Rm 10,15), etc.

Ainsi, toute la richesse de la terminologie sémitique, et donc biblique, en ce qui concerne le corps et ses fonctions, converge vers un point essentiel : le sens profond de la nature de l’homme saisie sous l’angle théologique ou, en d’autres termes, dans sa relation au Seigneur et donc à son prochain.

Que signifie donc, dans ce contexte, le cœur, pour les sémites et pour nos Pères dans la foi si imprégnés d’Ecriture jusqu’à la moelle des os ?

Au centre le plus central de l’homme, la Bible et, à travers elle, les Pères de l’Eglise voient le cœur. Ce cœur est le lieu d’une connaissance - amour où l’homme tout entier est appelé à la fois à se rassembler et à s’unifier pour pouvoir s’ouvrir. Un cœur dispersé est un cœur fermé.

Ce cœur est aussi un “cœur-esprit”, ouvert à l’Esprit-Saint, de qui il reçoit la lumière divine pour la communiquer à tout le corps appelé à devenir “temple du Saint-Esprit” (I Cor 6,19) et “chambre nuptiale” pour le Christ-Epoux. Je pense ici à Saint Ephrem, s’adressant en ces termes à son Maître et Seigneur : “L’âme est ta fiancée, et le corps ta chambre nuptiale. Les sens représentent les invités, tout comme la pensée. Et si pour toi un seul corps à lui seul est un festin de noces, qu’il est grand celui de toute l’Eglise” (Hd F 14,5).

Le Pseudo-Macaire, quant à lui, nous rappelle que “le cœur en effet commande et régit tout le corps”. Et il ajoute : “Une fois que la grâce s’est emparée des pâturages du cœur, elle règne sur tous les membres et les pensées, car c’est en lui que sont l’Esprit et toutes les pensées de l’âme et son espérance. Par lui, la grâce passe dans tous les membres du corps”. Oui, tout en nous sans exception, y compris les profondeurs les plus obscures de notre âme, est appelé à être vivifié et déifié par la grâce divine. D’où ce conseil que nous donne le livre des Proverbes : “Mon fils, plus que toute chose, veille sur ton cœur, car c’est du cœur que jaillit la Vie “ (Pr 4,23), ou la mort !

Eveil et Vigilance

Tout le problème de l’homme réside en effet dans l’hésitation du cœur. Isaac le syrien nous dit que “l’hésitation du cœur porte la lâcheté dans l’âme". D’où la prière du psalmiste qui doit devenir notre prière constante : “Seigneur, montre-moi Ton chemin, et je me conduirai selon Ta vérité. Unifie mon cœur pour qu’il craigne Ton nom” (Ps 86,11). C’est le cœur nouveau dont parle Ezéchiel 36,26 ; et c’est dans ce cœur nouveau, jusque dans les profondeurs de ses secrets, à la source de la liberté, que veut venir demeurer l’Esprit de Dieu : “Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! “ (Ga 4,6). L’abîme du cœur s’ouvre sur l’abîme du Dieu trine et un : “Tu nous as créés pour Toi, Seigneur, et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en Toi “ (Saint Augustin).

D’où l’importance de la garde du cœur, la veille du cœur, la vigilance, l’Eveil, grand thème de la spiritualité orientale. Et les Pères verront toute destinée chrétienne comme un pèlerinage vers le lieu du cœur où le Seigneur nous attend et où il nous attire pour y découvrir “l’homme intérieur du cœur” (1P 3,4) appelé à se laisser façonner par l’Esprit du Verbe qui a été répandu dans nos coeurs. Sans cette vigilance, sans cet éveil, pas de rencontre avec le Seigneur dans le lieu du cœur, car la tentation de “glisser” pour le cœur (Os 10,2) reste toujours grande.


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