Les saints sont d'utilité publique. Ils peuvent servir, même sans le vouloir, à éradiquer certains vices de la société civile. Le Curé d'Ars en est un exemple éblouissant.
Nommé par son évêque comme nouveau curé d’Ars - un petit village qui comptait 200 habitants - il a retroussé les manches de son cœur sacerdotal pour s'atteler à la mission et faire de ce village un modèle de paroisse chrétienne, à la mesure de ses désirs.
Avant la première messe, les hommes de ce village - habitués à ne point écouter les sermons de tous ses prédécesseurs - se sont mis d'accord sur la nécessité de mettre poliment au courant leur nouveau curé de leur vieille habitude.
L'un des paroissiens « cala son courage sous son aisselle », comme dit le proverbe libanais, et alla trouver leur humble curé, qui était en train de revêtir ses ornements sacerdotaux à la sacristie. Il lui dit, avec toute la délicatesse possible : « Mon Père, nous sommes si heureux de vous accueillir à Ars. Nous reconnaissons sur votre visage tous les signes de la sainteté. Aussi bien, je voudrais vous demander pardon d'avance pour une attitude qui est propre à tous les hommes de la paroisse. Depuis toujours, nous sortons prendre l’air pendant le sermon. Ceci n'est absolument pas dirigé contre vous, qui êtes si bon, et nous ne voudrions surtout pas vous offenser. C’est pourquoi les paroissiens m’ont chargé de vous avertir. Mais nous rejoindrons les bancs de l'église dès la fin de votre prêche... ».
Leur saint curé acquiesce alors de la tête, en souriant. En sortant de la sacristie, notre « envoyé spécial » lève triomphalement son pouce, en signe de victoire, à l’intention de ses copains.
Arrive la proclamation de l'évangile. Dès la fin de la lecture, on voit tous les hommes esquisser ensemble le geste de se lever de leurs sièges... tandis que leur curé commence son sermon par ces mots : « Mes bien chers frères, mon premier sermon sera consacré à un bien vilain péché : le vol. Donc je conseille de sortir à tous ceux qui ont quelque chose de tel à se reprocher, car ce que je vais dire est terrible... ».
Les hommes n'ont plus osé broncher et ils sont devenus les paroissiens les plus assidus aux homélies de leur saint curé.
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