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A NOUVEAU POITIERS

Bertrand Lemaire

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A Nouveau Poitiers

Mission accomplie au Mont Valérien ! Retour dans votre « gourbi » de la rue de Pot de fer et c’est là qu’un de vos amis vous transmet un pli urgent, porteur d’une bonne nouvelle, de quoi s’agit-il ?

Cette lettre adressée au directeur du séminaire de st Sulpice, supposé avoir conservé ma trace, lui demandait de tout faire pour me convaincre d’un retour urgent à l’hôpital de Poitiers. Je vous rappelle que je m’en étais fait renvoyer sur le champ, par la direction, l’année précédente. Figurez-vous que cette lettre était rédigée au nom des quatre cents pauvres, à celui « qui aime tant les pauvres », disaient-ils. J’apprends par ailleurs qu’ils avaient déjà fait, sans succès, deux démarches dans ce sens auprès de l’évêque.

Pour tout bagage votre bréviaire, un crucifix et la statue de Marie ; c’est probablement à pied que vous allez reprendre la route de Poitiers ?

Oui et je commence à bien connaître le chemin, une bonne âme me donne dix écus que je m’empresse de remettre à un pauvre sur la route et comme toujours je mendie mon pain et l’abri d’une grange pour passer la nuit. Deux semaines plus tard je retrouve ceux qui m’attendaient avec impatience, ils allument des feux de joie et me voici nommé directeur, avec pour adjoint le père Dubois qui aimait l’humour car il disait de moi : « J’ai toujours regardé comme une sorte de miracle que monsieur de Montfort ait pu faire tout ce qu’il faisait sans mourir mille fois, de quatre heures du matin à dix heures du soir on ne l’a jamais vu dans l’inaction ». Selon mes habitudes je reste fidèle au jeûne trois fois par semaine et je couche sur un peu de paille, vous savez qu’à mon époque nous avions des instruments de pénitence, non par masochisme, mais pour mieux participer aux souffrances du Christ pendant la Passion.

Certaines mesures urgentes ont-elles été mises en œuvre ?

Sans tarder, je cherche à rétablir de l’ordre et surtout de la propreté ; je réaménage la chapelle et demande aux gouvernantes de laisser de côté leurs fantaisies, pour assurer le service du Seigneur dans ses pauvres. Il n’en fallait pas davantage pour allumer à nouveau les jalousies, les susceptibilités, les plaintes et calomnies auprès des administrateurs, l’atmosphère devient rapidement irrespirable. Avant de prendre une décision, je décide de consulter mon évêque, mon confesseur et Marie Louise Trichet qui était toujours au service des pauvres. Cette dernière avait tout avantage à me voir rester à Poitiers, pour profiter de ma direction spirituelle cependant elle n’hésite pas à me dire : « Il vaut mieux que vous quittiez l’hôpital » Je lui ai répondu, en guise de feuille de route pour l’avenir:«pour vous ma fille, ne quittez point cet hôpital avant dix ans, Même si la constitution des filles de la Sagesse ne se réalisait qu’au bout de ce temps, Dieu serait satisfait et ses desseins sur vous seraient accomplis ». Quelque temps après, je n’aurai pratiquement plus de contact avec elle et dix ans plus tard je la retrouverai toujours fidèle au poste, c’est dans cette abnégation et cette fidélité que s’est forgée cette magnifique congrégation des Filles de la Sagesse.

Vous quittez donc l’hôpital une fois de plus, mais que vous a donc conseillé votre évêque ?

Il me charge, avec quelques autres prêtres d’aller prêcher dans les quartiers et faubourgs de la ville de Poitiers. Pour me préparer à cette nouvelle mission, je m’enferme dans une maison de campagne pendant dix jours pour faire une retraite personnelle. Figurez-vous que ce ne fut pas du goût du démon qui décida de venir perturber mon silence. Je n’en ai parlé à personne mais un jeune clerc qui m’accompagnait s’est empressé de dire qu’il entendait des personnes qui se battaient la nuit dans ma chambre. J’avais l’habitude de dire au démon : « Va-t’en, je me moque de toi, Je serai toujours assez fort avec Jésus et Marie ». (Extraits du livre « En haute mer »)


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