Plein feu sur l’injustice

Les lectures d'aujourd'hui se concentrent sur l'image de la lumière. La métaphore de la lumière nous est utile pour comprendre les conditions de la mission et son contenu.

La lumière, en tant que telle ne peut pas être vue, les ondes lumineuses sont hors de notre portée visuelle, nous voyons des objets illuminés. Nous ne sommes pas des sources de lumière, car la lumière vient de Dieu, selon la métaphore utilisée par Jésus : "Ils voient vos bonnes œuvres et rendent gloire à Dieu". Lui est la source, Lui est la lumière.

La lumière éclaire les zones sombres et nécessite une transparence interne. La première lecture énumère précisément les zones où la lumière doit apparaître. C'est un texte du second Isaïe, ce prophète de l’Exil, qui avait rassemblé plusieurs écrits pour les ajouter ensuite au livre du prophète Isaïe. Ce prophète, dont nous ignorons même le nom, est très cher à Jésus qui va développer plusieurs de ses intuitions, dont ces directives lumineuses : "Partage ton pain avec ceux qui ont faim, accueille les pauvres sans-abri chez toi et couvre ceux qui sont nus. Alors ta lumière se lèvera comme l’aurore". Et aussi: "Si tu supprimes de chez toi l’oppression, le geste accusateur et la parole malfaisante, si tu offres du pain à ceux qui ont faim, si tu rassasies celui qui jeûne alors ta lumière brillera dans les ténèbres, tes ténèbres seront comme le plein midi".

Ce discours est très clair: la lumière doit parvenir là où sévit la misère, l'oppression, la mort, la persécution. Jésus traduira très bien cela dans les béatitudes, qui indiquent précisément les domaines où l'action de Dieu veut se manifester, où la lumière doit briller. Dieu s’adresse au Peuple en faveur des affamés, des persécutés, des pauvres, car la misère est un mal pour toute la société, et consacrer sa vie à la soulager est au service du bien de tous. Si je ne m’occupe que de mon intérêt personnel, si je ne m'intéresse qu'à mon confort, à ma richesse, je travaille contre le bien commun car cela a des retombées sur le sort des plus faibles et des plus marginalisés. C'est pourquoi l'action salvifique se tourne vers les plus démunis, vers les pauvres. Il faut donc braquer la lumière sur l’oppression, l’injustice, partout où règnent les ténèbres.

A travers Isaïe, Dieu nous fait réfléchir sur le jeûne, qui nous permet d’apprécier ce que nous avons et de ressentir les difficultés rencontrées par de nombreux frères. Isaïe nous apprend la bonne manière de jeûner. Le jeûne agréable au Seigneur consiste à partager avec les plus démunis. Dieu s'adresse donc à chacun en promettant sa présence constante à ceux qui lui obéissent.

En Judée, il n’existe peut-être plus de guides crédibles, le prophète ressent donc le besoin d'intervenir, Dieu lui-même le commande. Le Seigneur ne demande pas un jeûne rituel, mais une conversion authentique qui se manifeste par de nouveaux rapports de justice sociale et de miséricorde envers les pauvres. D'autres prophètes étaient déjà intervenus pour dénoncer un culte sans lien avec la justice envers les petits et les pauvres, mais le disciple anonyme d'Isaïe attribue à ce jeûne un rôle de signe, de lumière, de cohérence religieuse dans la communauté désintégrée et désorientée. Quand on se retrouve dans une situation pas bien organisée, sans vrais guides religieux, quand on est minoritaire dans la diaspora, il est très urgent que chacun remplisse le rôle de signe et de "lumière" envers les autres.