Peur mortifère

La première lecture est tirée du Livre du prophète Jérémie, qui a vécu 600 ans avant la naissance de Jésus. L'appel entendu par Jérémie est d'une beauté extraordinaire. Le Seigneur lui a dit: "Avant de te former dans le sein maternel, je te connaissais. Avant ta naissance, je t’ai consacré".

Par la suite, le prophète a comparé Israël à une épouse chérie mais infidèle, car le peuple a préféré des citernes fissurées à la source d'eau vive. Le mérite de Jérémie a été de donner du sens à l'événement désastreux avant qu'il ne se produise. Cependant le peuple l’a rejeté et persécuté, préférant suivre de faux prophètes qui le rassuraient.

Ce dimanche, nous sommes invités à lire la complainte de Jérémie : comment il a été traité, en tant qu'homme et prophète. Ses amis se moquent de lui et l’évitent parce qu'il est au service d'un Dieu de "terreur". Ils attendent de se venger et de le dénoncer. Mais nous devons graver dans notre esprit ces paroles de Jérémie: "Le Seigneur est à mes côtés comme un guerrier redoutable, pour cela mes persécuteurs s’écrouleront impuissants". Certes, il y a aussi la part humaine de la réponse de Jérémie, réclamant vengeance, mais nous devons toujours garder à l'esprit que, dans l'Histoire d'Israël relatée dans la Bible, il faut distinguer l'influence humaine de l'auteur et le message, la Parole de Dieu. Tout n'est donc pas à prendre au pied de la lettre.

Nous vivons dans la peur : peur des autres, peur de ce qu'ils diront et penseront, peur de ne pas répondre à leurs attentes, peur de ne pas réussir. Par-dessus tout, nous avons peur de la nouveauté parce que nous avons peur du changement: nous nous sommes construits péniblement nos petites sécurités et nous n’en bougeons plus. D'une part, la compétitivité et la course contre la montre nous sont dictées par la peur de ne plus exister, de perdre notre place ; d'autre part, la peur nous immobilise dans un linceul et nous choisissons la mort plutôt que la vie : nous sommes en pleine contradiction!

Jérémie est pétri de notre humanité, mais il se laisse guider par Dieu et, grâce à lui, le Peuple saura vivre en donnant du sens à son exil et en gardant espoir.